Dispositions communes a la lutte contre le financement du terrorisme et au blanchiment d’argent
De la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent
Article 90
Est interdite, toute forme de soutien et de financement aux personnes, organisations ou activités en rapport avec des infractions terroristes prévues par la présente loi et autres activités illicites, qu’ils leurs soient octroyés de manière directe ou indirecte, à travers des personnes physiques ou des personnes morales, quel que soit leur forme ou leur objet, même si le but qu’elles poursuivent est à caractère non lucratif.
Article 91
Les personnes morales doivent adopter les règles de gestion prudentielles suivantes :
S'abstenir de recevoir tous dons ou subventions dont l'origine est inconnue ou provenant d'actes illicites que la loi qualifie de délit ou crime ou de personnes physiques ou morales, organisations ou organismes impliqués notoirement à l’intérieur ou hors du territoire de la République dans des activités en rapport avec des infractions terroristes.
S'abstenir de recevoir toute cotisation de valeur supérieure au plafond fixé par la loi.
S'abstenir de recevoir tous dons ou autres formes d’aide financière quel qu’en soit le montant, sauf exception prévue par une disposition spéciale de la loi.
S'abstenir de recevoir, même dans le cas où la législation en vigueur ne le lui interdit pas, tous fonds provenant de l'étranger sans le concours d’un intermédiaire agréé résident en Tunisie.
S'abstenir de recevoir tous fonds en espèces dont la valeur est supérieure ou égale à cinq mille dinars même au moyen de plusieurs versements susceptibles de présenter des liens, et deux cent mille dinars pour les partis et les associations.
Article 92
Les personnes morales doivent :
tenir des comptes sur un livre-journal faisant état de toutes recettes et dépenses.
tenir un inventaire des recettes et virements en rapport avec l'étranger faisant état des montants y afférents, leur justification, la date de leur réalisation et l’identification de la personne physique ou morale qui en est concernée. Copie en est transmise aux services de la Banque centrale de Tunisie ;
dresser un bilan annuel.
conserver les livres et documents comptables qu’ils soient tenus sur un support matériel ou électronique pendant dix ans à compter de la date de leur clôture.
Sont dispensées des obligations prévues au présent article, les personnes morales dont les recettes annuelles ou les réserves disponibles n’ont pas atteint un plafond déterminé qui sera fixé par arrêté du ministre chargé des finances.
Article 93
Les obligations visées à l'article précédent sont considérées comme des règles comptables minimales, communes à toutes les personnes morales, sans préjudice de l'application des régimes comptables spécifiques à certaines d’entre elles et aux règles régissant leur financement, et ce, conformément à la législation en vigueur qui lui est applicable.
Article 94
Le ministre chargé des finances peut obtenir une autorisation du président du tribunal de première instance compétent territorialement, afin de soumettre les personnes morales suspectées de liens avec des personnes, organisations ou activités en rapport avec les infractions visées par la présente loi ou qui se seraient rendues coupables d’enfreintes aux règles de gestion prudentielle ou à celles régissant leur financement ou la tenue de leur comptabilité à une autorisation préalable pour toute réception de virements provenant de l'étranger, et ce pour une durée né dépassant pas quatre mois.
Ladite mesure est prise par voie d’arrêté notifié au représentant légal de la personne morale concernée par tout moyen susceptible de laisser une trace écrite.
Une copie dudit arrêté est transmise au Gouverneur de la Banque Centrale à l’effet d’en informer la Commission Tunisienne des Analyses Financières et tous les établissements financiers bancaires et non bancaires. Il a pour effet de subordonner le paiement des fonds objet du transfert, aux personnes morales, concernées, à la présentation de l’autorisation du ministre chargé des finances.
Article 95
Dans le cadre du respect des engagements internationaux de la Tunisie, la commission tunisienne de lutte contre le Terrorisme doit, après avis du gouverneur de la banque centrale, décider de geler les biens des personnes ou organisations dont le lien avec des crimes terroristes est établi par les instances onusiennes compétentes.
Le gel comprend les biens tels que définis par l’article 3 de la présente loi.
Les personnes chargées d’exécuter la décision du gel doivent, dès sa publication au Journal Officiel de la République Tunisienne, prendre les mesures nécessaires à cet effet et déclarer à la commission tunisienne de lutte contre le Terrorisme toutes les opérations de gel qu’elles ont effectuées et lui communiquer tous les renseignements utiles pour l’exécution de sa décision.
Aucune action en dommage ou en responsabilité pénale ne peut être admise contre toute personne physique ou morale qui aurait accompli, de bonne foi, les devoirs qui lui incombent en exécution de la décision du gel.
Article 96
La commission Tunisienne de lutte contre le Terrorisme peut, après avis du gouverneur de la banque centrale, ordonner de permettre à la personne concernée par la décision du gel de disposer d’une partie de ses biens pour couvrir ses besoins nécessaires ainsi que ceux de sa famille y compris le logement.
Article 97
Quiconque concerné par une décision de gel conformément aux dispositions de l’article 96 de la présente loi peut demander à la commission Tunisienne de lutte contre le Terrorisme d’ordonner la levée du gel sur ses biens s’il considère qu’il a été pris à son encontre par erreur.
La commission Tunisienne de lutte contre le Terrorisme est également compétente pour ordonner la levée du gel sur les personnes et les organisations dont le lien avec des infractions terroristes n’est plus établi par les instances onusiennes compétentes.
Art.98 – Toutes les décisions sont susceptibles de recours devant le Tribunal de première instance de Tunis
Article 98
Article 99
Le Président du Tribunal de Première Instance territorialement compétent peut, sur demande du Ministre chargé des finances, décider par voie d’ordonnance sur requête de soumettre toute personne morale suspectée de liens avec des personnes, organisations ou activités en rapport avec les infractions visées par la présente loi, ou qui se seraient rendues coupables d’enfreintes aux règles de gestion prudentielle, à celles régissant leur financement ou la tenue de leur comptabilité, à l’audit externe d’un expert ou d’un collège d'experts spécialisés.
Article 100
Les établissements financiers bancaires et non bancaires et toute personne qui dans l’exercice de sa profession, prépare ou réalise, au profit de son client, des opérations ou transactions financières portant sur l’achat ou la vente de biens immobiliers ou de fonds de commerce, gère des capitaux et des comptes des clients, organise des apports pour la création des sociétés et autres personnes morales, les exploite ou les gère, contrôle lesdites opérations ou transactions ou donne conseil à leur titre, doivent prendre les mesures de vigilance requises.
Les dispositions de l’alinéa précédent s’appliquent aux commerçants en métaux précieux, en de bijoux, de pierres précieuses ou tous autres objets précieux ainsi qu’aux dirigeants de casinos pour les transactions avec leurs clients dont la valeur est égale ou supérieure à un montant qui sera fixé par arrêté du ministre chargé des finances.
Article 101
Les personnes énumérées par l’article 100 de la présente loi doivent prendre les mesures de vigilance suivantes :
vérifier, au moyen de documents officiels, et autres documents émanant de source fiable et indépendante, l’identité de leurs clients habituels ou occasionnels et enregistrer toutes les données nécessaires susceptibles de les identifier,
vérifier, au moyen de documents officiels, et autres documents émanant de source fiable et indépendante :
l’identité du bénéficiaire de l’opération ou de la transaction et la qualité de celui qui agit pour son compte.
la constitution de la personne morale, sa forme juridique, son siège social, la répartition de son capital social et l’identité de ses dirigeants et ceux qui ont le pouvoir de s’engager en son nom, tout en prenant les mesures raisonnables pour identifier les personnes physiques qui la contrôlent.
Obtenir des informations sur l'objet et la nature de la relation d’affaires.
Obtenir, en cas de recours à un tiers , les informations nécessaires susceptibles d’identifier le client et s'assurer que le tiers est soumis à une réglementation et à une surveillance relative à la répression du blanchiment d’argent et à la lutte contre le financement du terrorisme, qu’il a pris les mesures nécessaires à cet effet et qu’il est à même de fournir, dans les plus brefs délais, des copies des données d’identification de son client et autres documents y afférents à charge pour elles d’assumer dans tous les cas, la responsabilité de l’identification du client.
Ces mesures sont notamment prises lorsque :
elles nouent des relations d'affaires,
elles effectuent des transactions occasionnelles dont la valeur est égale ou supérieure à un montant qui sera fixé par un arrêté du ministre chargé des finances ou sous forme de virements électroniques,
il y a suspicion de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme,
il y a des doutes quant à la véracité ou à la pertinence des données d’identification du client précédemment obtenues.
Si ces personnes ne parviennent pas à vérifier lesdites données ou si les informations sont insuffisantes ou qu’elles sont manifestement fictives elles doivent s’abstenir d’ouvrir le compte, de nouer ou de continuer la relation d’affaires ou d’effectuer l’opération ou la transaction et envisager de faire une déclaration d’opération suspecte.
Article 102
Les personnes visées à l’article 100 de la présente loi doivent mettre à jour les données relatives à l’identité de leurs clients, exercer une vigilance continue à leur égard pendant toute la durée des relations d’affaires et examiner attentivement les opérations et les transactions effectuées par leurs clients, afin de s'assurer qu’elles sont cohérentes avec les données dont elles disposent concernant ces clients , compte tenu de la nature de leurs activités, des risques qu’ils encourent et le cas échéant de l'origine des fonds.
Article 103
Les personnes visées à l’article 100 de la présente loi doivent prendre les mesures de vigilance suivantes :
S’assurer que leurs filiales et les sociétés dont ils détiennent la majorité du capital social et situées à l’étranger appliquent les mesures de vigilance relatives à la répression du blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme et informer les autorités de contrôle lorsque la réglementation des pays dans lesquels elles sont établies ne permet pas d’appliquer ces mesures.
Disposer de systèmes adéquats de gestion des risques en cas de relation avec des personnes ayant exercé ou exercent de hautes fonctions publiques dans un pays étranger, ou leurs proches ou des personnes ayant des rapports avec elles, obtenir l'autorisation du dirigeant de la personne morale avant de nouer ou de continuer une relation d'affaires avec eux, assurer une surveillance renforcée et continue de cette relation et prendre des mesures raisonnables pour identifier l’origine de leurs fonds.
Article 104
Les personnes visées à l’article 100 de la présente loi doivent, lorsqu’elles nouent des relations de correspondant bancaire transfrontalier et autres relations similaires :
collecter suffisamment d'informations sur le correspondant transfrontalier afin de reconnaître la nature de ses activités et d’évaluer, sur la base des sources d'informations disponibles, sa réputation et l’efficacité du système de contrôle auquel il est soumis et vérifier s’il a fait l'objet d'une enquête ou d’une mesure de l’autorité de contrôle ayant trait au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme.
obtenir l'autorisation du dirigeant de la personne morale avant de nouer des relations avec le correspondant étranger et fixer par écrit les obligations respectives des deux parties.
s’abstenir de nouer ou de poursuivre une relation de correspondant bancaire avec une banque étrangère fictive et de nouer des relations avec des institutions étrangères qui autorisent des banques fictives à utiliser leurs comptes.
Article 105
Les personnes visées à l’article 100 de la présente loi doivent :
prêter une attention particulière à leurs relations d'affaires avec des personnes résidant dans les pays qui n'appliquent pas ou appliquent de façon insuffisante les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
prêter une attention particulière aux risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme inhérents à l’utilisation des nouvelles technologies et prendre, si nécessaire, des mesures supplémentaires afin de les éviter.
mettre en place des dispositifs de gestion des risques liés aux relations d'affaires qui n'impliquent pas la présence physique des parties.
Article 106
Les personnes visées à l’article 74 de la présente loi doivent conserver pendant une période qui ne peut être inférieure à dix ans à compter de la date de la réalisation de l’opération ou de clôture du compte, les registres, livres comptables et autres documents qu’ils détiennent sur support matériel ou électronique aux fins de consultation, le cas échéant, et ce, pour les besoins de traçabilité des différentes phases des transactions ou opérations financières effectuées par leurs soins ou par leur intermédiaire et d’identifier tous les intervenants ou de s’assurer de leur véracité.
Article 107
Toute opération d'importation ou d'exportation de devises, dont la valeur est égale ou supérieure à un montant déterminé qui sera fixé par arrêté du Ministre chargé des finances, doit, à l’entrée à la sortie et lors d’opérations de transit, faire l’objet d’une déclaration aux services des douanes.
Les intermédiaires agréés et les sous-délégataires de change doivent s’assurer de l’identité de toute personne qui effectue auprès d’eux des opérations en devises dont la valeur est supérieure ou égale à un montant déterminé qui sera fixé par arrêté du Ministre chargé des finances sur information de la Banque Centrale de Tunisie.
Article 108
Les autorités habilitées à contrôler les établissements financiers bancaires et non bancaires et les personnes soumises de part leur profession à l'obligation de déclaration au sens de l'article 85 de la présente loi, sont chargées d’élaborer les programmes et pratiques adaptés à la lutte contre les infractions de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, de veiller à leur mise en œuvre et de prendre, le cas échéant, les mesures disciplinaires nécessaires conformément à la législation en vigueur.
Ces programmes et pratiques doivent instituer :
un système de détection des opérations et transactions suspectes ou inhabituelles, notamment la désignation de ceux qui sont chargés parmi leurs dirigeants et employés d'accomplir l’obligation de déclaration,
des règles d’audit interne en vue d'évaluer l'efficacité du système instauré,
des programmes de formation continue au profit de leurs agents.
Article 109
Nonobstant les sanctions pénales, tout manquement aux mesures de vigilance prévues aux articles 101, 102, 103, 104 et 105 donne lieu à des poursuites disciplinaires conformément aux procédures en vigueur prévues par le régime disciplinaire propre à chacune des personnes énumérées par l’article 100 de la présente loi.
En l’absence d’un régime disciplinaire particulier, les poursuites disciplinaires sont exercées par l’autorité habilitée à contrôler ces personnes.
Article 110
L’autorité disciplinaire compétente peut, après audition de l’intéressé, prendre l’une des sanctions suivantes :
l’avertissement,
le blâme,
l’interdiction d’exercer l’activité ou la suspension de l’agrément pour une durée ne dépassant pas deux ans,
la cessation des fonctions,
l’interdiction définitive d’exercer l’activité ou le retrait de l’agrément.
Ces sanctions sont également applicables aux dirigeants et membres du conseil de surveillance si leur responsabilité du non-respect des mesures de vigilance est établie.
De l'interdiction des circuits financiers illicites
De la Commission des Analyses Financières
Article 111
Il est institué, auprès de la Banque Centrale de Tunisie une commission dénommée "la Commission Tunisienne des Analyses Financières". Elle siège à la Banque Centrale de Tunisie qui en assure le secrétariat.
Article 112
La Commission Tunisienne des Analyses Financières est composée du :
Gouverneur de la Banque Centrale ou son représentant, président,
un magistrat de troisième grade,
un représentant du ministère de l'intérieur,
un représentant du ministère des finances,
un représentant de la direction générale des douanes,
un représentant du comité du marché financier,
un expert spécialisé en matière de lutte contre les infractions financières.
Les membres de la Commission sont nommés par décret pour une durée de trois ans.
Les membres exercent leurs missions au sein de la commission en toute indépendance vis-à-vis de leurs administrations d’origine.
La Commission comprend un comité d’orientation, une cellule opérationnelle et un secrétariat général. Les modes de fonctionnement de la Commission sont fixés par décret.
Article 113
La commission tunisienne des analyses financières est notamment chargée des missions suivantes :
établir les directives générales susceptibles de permettre aux personnes visées à l’article 74 de la présente loi de détecter et déclarer les opérations et les transactions suspectes,
recueillir et traiter les déclarations concernant les opérations et les transactions suspectes et notifier la suite qui leur est donnée.
collaborer à l'étude des programmes à mettre en œuvre pour lutter contre les circuits financiers illicites et à faire face au financement du terrorisme et au blanchiment d'argent,
prendre part aux activités de recherche, de formation et d'étude, et en général, à toute activité en rapport avec le domaine de son intervention,
assurer la représentation des différents services et organismes concernés par ce domaine au niveau national et international, et faciliter la communication entre eux.
Article 114
La commission tunisienne des analyses financières peut dans l'exécution des missions qui lui sont dévolues faire appel au concours des autorités administratives chargées de l'application de la loi et aux personnes visées à l’article 100 de la présente loi. Celles-ci sont tenues de lui communiquer les renseignements nécessaires à l'analyse des opérations et transactions objet des déclarations recueillies dans les délais légaux.
Le secret professionnel n'est pas, dans ce cas, opposable à la commission tunisienne des analyses financières et les dépositaires desdits secrets ne peuvent être poursuivis du chef de leur divulgation.
Article 115
La Commission tunisienne des analyses financières peut, également, faire appel au concours de ses homologues étrangers auxquels elle est liée par des mémorandums d’accord en vue d’échanger les renseignements financiers susceptibles d’assurer l’alerte rapide concernant les infractions visées par la présente loi et d'en éviter l’exécution.
La coopération prévue à l'alinéa précédent est subordonnée à ce que les services étrangers analogues soient, conformément à la législation en portant organisation, soumis au secret professionnel et à l’obligation de ne pas transmettre ou utiliser les données et renseignements à eux communiqués à des fins autres que la lutte et la répression des infractions prévues par la présente loi.
Article 116
La commission tunisienne des analyses financières est tenue de mettre en place une base de données faisant état des personnes physiques et morales suspectées d'être en lien avec des opérations de financement du terrorisme ou de blanchiment d'argent, des déclarations relatives aux opérations ou transactions suspectes recueillies, des requêtes de renseignements qui lui sont parvenues des autorités chargées de l'application de la loi ou de ses homologues étrangers et des suites qui leur ont été données.
Elle doit, en outre, conserver, pendant une durée minimum de dix ans à compter de la date de clôture de ses travaux, tout renseignement ou document, tenu sur un support matériel ou électronique, justifiant la suite donnée aux déclarations qu’elle avait recueillies, et ce, pour les consulter le cas échéant .
Article 117
Les membres de la Commission Tunisienne des analyses financières, leurs collaborateurs et tout autre agent, appelés en vertu de leurs fonctions à accéder aux dossiers objet des déclarations sur opérations ou transactions suspectes, sont tenus au secret professionnel. Ils ne peuvent de ce fait, même après cessation de leurs fonctions, utiliser les renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à des fins autres que celles exigées par la mission qui leur est dévolue.
Des mécanismes d'analyse des opérations et transactions suspectes
Article 118
Les personnes visées à l’article 100 de la présente loi sont tenues de faire sans délai à la commission tunisienne des analyses financières une déclaration écrite sur toute opération ou transaction suspecte susceptible d'être liée directement ou indirectement au produit d'actes illicites qualifiés par la loi de délit ou de crime, ou au financement de personnes, organisations ou activités en rapport avec des infractions terroristes prévues par la présente loi, ainsi que sur toute tentative desdites opérations ou transactions.
L’obligation de déclaration s’applique également, même après la réalisation de l’opération ou de la transaction, lorsque de nouveaux renseignements sont susceptibles de lier ladite opération ou transaction directement ou indirectement au produit d'actes illicites qualifiés par la loi de délit ou de crime, ou au financement de personnes, organisations ou activités en rapport avec des infractions terroristes.
Article 119
Les personnes visées à l’article 100 de la présente loi doivent prêter une attention particulière aux opérations et transactions revêtant un caractère complexe ou d’un montant anormalement élevé ainsi qu’aux opérations et transactions inhabituelles dont le but économique ou la licéité n’apparaissent pas manifestement.
Elles doivent, dans la mesure du possible, examiner le cadre dans lequel lesdites opérations ou transactions sont réalisées ainsi que leur but, consigner les résultats de cet examen par écrit et les mettre à la disposition des autorités de contrôle et des commissaires aux comptes.
Article 120
La commission tunisienne des analyses financières peut ordonner à l’auteur de la déclaration qu’il soit procédé provisoirement au gel des fonds objet de la déclaration et leur dépôt sur un compte d’attente.
L’auteur de la déclaration doit s'abstenir d'informer la personne concernée de la déclaration dont il a fait l’objet et des mesures qui en ont résulté.
Article 121
Si les analyses n'ont pas confirmé les soupçons liés à l'opération ou transaction objet de la déclaration, la commission tunisienne des analyses financières doit aviser sans délais l’auteur de la déclaration et l’autorise à lever le gel des avoirs sur lesquels a porté la déclaration.
Si la commission tunisienne des analyses financières ne communique pas les résultats de ses travaux dans les délais prévus à l'article 124 de la présente loi, son silence vaut autorisation de levée du gel.
Article 122
Si les analyses ont confirmé les soupçons liés à l'opération ou transaction objet de la déclaration, la commission tunisienne des analyses financières transmet sans délais au procureur de la république de Tunis ses conclusions et tout document y relatif en sa possession en vue d'apprécier la suite à lui donner, et en avise l’auteur de la déclaration.
Le procureur de la république doit décider de la suite à donner à la dénonciation au plus tard dans les cinq jours suivant sa réception et notifier sa décision à l'auteur de la déclaration et à la commission Tunisienne des analyses financières.
Article 123
Les actes de poursuite, d’instruction et de jugement en matière d’infractions de blanchiment d’argent relèvent de la compétence du tribunal de première instance de Tunis. Toutes dispositions régissant les infractions terroristes en vertu de la présente loi lui sont applicables.
Article 124
La commission tunisienne des analyses financières est tenue de clôturer ses travaux dans les plus brefs délais. Toutefois, si elle a ordonné qu’il soit procédé au gel provisoire des fonds objet de la déclaration, elle doit clôturer ses travaux dans un délai de cinq jours à compter de la date de l’ordre du gel et notifier à l'auteur de la déclaration les résultats de ses travaux.
Article 125
Les décisions rendues par la commission tunisienne des analyses financières doivent être motivées, elles ne sont susceptibles d'aucune voie de recours.
Article 126
La décision de classement sans suite émanant du Procureur de la République a pour effet la levée immédiate du gel des avoirs objet de la déclaration.
Si le Procureur de la république décide de l’ouverture d'une information, le gel est maintenu à moins que l’autorité judiciaire saisie de l’affaire n’en décide autrement.
Article 127
Le procureur général près la cour d'appel de Tunis peut, même en l’absence de déclaration sur opération ou transaction suspecte, requérir du président du tribunal de première instance de Tunis qu’il soit ordonné le gel des avoirs appartenant à des personnes physiques ou morales suspectées d'être liées à des personnes, organisations ou activités en rapport avec les infractions visées par la présente loi, et ce, même si elles ne sont pas commises sur le territoire de la République.
Article 128
La décision de gel prévue à l'article précédent est prise par le président du tribunal de première instance de Tunis conformément à la procédure des ordonnances sur requêtes.
Article 129
Le procureur général près la cour d'appel de Tunis est tenue de transmettre immédiatement l'ordonnance de gel prise en application de l'article précédent et tout document en sa possession au Procureur de la République de Tunis pour ordonner qu’il y soit informé.
Le procureur général près la cour d'appel de Tunis transmet copie de l'ordonnance de gel à la commission tunisienne des analyses financières et l’avise de l’ouverture d'une information contre la personne concernée.
Les avoirs objet de l'ordonnance ci-dessus visée demeurent gelés à moins que l’autorité judiciaire saisie de l’affaire n’en décide autrement.
Article 130
Est puni d'un an à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de cinq mille dinars à cinquante mille dinars quiconque s'abstient délibérément de se soumettre à l’obligation de déclaration au sens des dispositions de l'article 118 de la présente loi.
Article 131
Aucune action en dommage ou en responsabilité pénale ne peut être admise contre toute personne physique ou morale qui aurait accompli, de bonne foi, le devoir de déclaration prévu à l'article 118 de la présente loi.
Aucune action en dommage ou en responsabilité pénale n’est aussi admise contre la commission tunisienne des analyses financières à l’occasion de l’exercice de la mission qui lui est dévolue.
Article 132
Est puni d'un mois à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de trois mille dinars à trois cent mille dinars quiconque s'abstient de se soumettre à l’obligation de déclaration prévue au premier alinéa de l'article 76 de la présente loi.
L’amende peut être portée à cinq fois la valeur des fonds sur lesquels a porté l’infraction.
Article 133
Les amendes prévues à l'article précédent sont applicables aux intermédiaires agréés et aux sous- délégataires de change qui s'abstiennent de se soumettre aux obligations prévues au deuxième alinéa de l'article 107 de la présente loi.
Article 134
Est puni de six mois à trois ans d'emprisonnement et d'une amende de cinq mille dinars à dix mille dinars les professionnels visés à l’article 74 de la présente loi, les commerçants de bijoux et de pierres précieuses et autres objets précieux, les dirigeants de casinos et tout dirigeant, représentant ou agent des personnes morales dont la responsabilité personnelle pour avoir enfreint ou ne pas obtempérer aux dispositions des articles 69, 70, 72, de l’alinéa 3 de l’article 72 bis, des articles 73, 75, 84, 86, de l’alinéa 2 de l’article 87 et l’article 96 de la présente loi, est établie.
La peine est de trois mois à deux ans d’emprisonnement et de et de mille dinars à cinq mille dinars d’amende, si une relation d’affaires a été nouée ou continuée ou une opération ou transaction occasionnelle dont la valeur est supérieure ou égale à un montant qui sera fixé par le ministre chargé des finances ou qui comprend des virements électroniques, a été réalisée sans respecter les obligations de :
vérifier, au moyen de documents officiels ou autres documents émanant de source fiable et indépendante, l’identité des clients habituels ou occasionnels et d’enregistrer toutes les données nécessaires à leur identification.
vérifier, au moyen de documents officiels ou autres documents émanant de source fiable et indépendante, l’identité du bénéficiaire de l’opération ou de la transaction, la qualité de celui qui agit pour son compte et de la constitution de la personne morale, de sa forme juridique, de son siège social, de l’identité de ses dirigeants et de ceux qui ont le pouvoir de s’engager en son nom.
obtenir du client des informations sur l'objet et la nature de la relation d’affaires.
s’abstenir d’ouvrir un compte, de nouer ou continuer une relation d’affaires ou de réaliser une opération ou une transaction si les informations s’y rapportant sont insuffisantes ou manifestement fictives.
Ceci ne préjudicie pas des poursuites contre les personnes morales qui encourent une amende égale à cinq fois le montant de l'amende prévue pour l'infraction initiale.
Article 135
Les décisions de gel des avoirs ainsi que les jugements prononçant leur liquidation ou confiscation en application de la présente loi ne peuvent, en aucun cas, porter atteinte aux droits des tiers acquis de bonne foi.
Article 136
Sont abrogées, les dispositions de la loi n° 2003-75 du 10 décembre 2003 relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent, telle que modifiée par la loi n° 2009-65 de du 12 août 2009 et l’expression « ou membre du corps diplomatique ou consulaire ou un membre de leur famille » du deuxième alinéa de l’article 237 et de l’alinéa « C » de l’article 251 du Code pénal.
Seront également abrogées, les dispositions de l’alinéa « D » de l’article 251 du Code pénal et les expressions « ou organisation terroriste opérant à l’étranger » et « commis par le coupable de son propre chef ou conformément aux instructions de cette organisation » du deuxième alinéa de l’article 123 du Code de la Justice militaire.