Audition du gouvernement en présence du ministre de l'intérieur et du ministre de la justice concernant la situation générale du pays
La séance plénière d’audition du gouvernement concernant la situation générale du pays, prévue pour 9h30, a débuté à 10h21, en présence de 124 élus et présidée par Meherzia Labidi. Les ministres de l’intérieur, de la justice ainsi que le ministre des Droits de l’Homme et de la justice transitionnelle étaient présents à cette séance plénière.
La présidente a informé les élus au début de la séance des mouvements au sein de blocs : l’élu Mohamed Neji Gharsalli a démissionné du bloc démocratique et Jalel Farhat a rejoint le bloc Liberté et Dignité.
L'élu Mouldi Zidi s’est interrogé si le bloc Liberté et Dignité existait encore et s’il était vrai que des élus retirés avaient représenté l'Etat Tunisien et l'ANC à l'étranger, lors du parlement arabe? La présidente lui a demandé d'envoyer une correspondance au bureau de l'ANC afin de répondre à ses questions.
Nejib Hosni quant à lui a soulevé la question du non-respect des horaires de début des séances plénières, il a déclaré qu’il fallait condamner la prise de position d'élus Français avec les élus retirés parce que c'était de l'ingérence. Propos auxquels s’est joint Hassan Radhouani. La présidente a répondu qu'une correspondance avait été envoyée à la mission diplomatique française et que cette dernière a répondu avec beaucoup de respect pour la volonté du peuple tunisien, que les élus français présents ne représentaient que leur personne.
Jamal Bouajajaa tenu de son côté à condamner les actes de violence contre les élus, la présidente a déclaré la solidarité de tous avec eux, en faisant référence aux élus Romdhane Doghmani et Ahmed Smiai.
La dernière à prendre la parole avant de passer à l’ordre du jour, a été Samia Abbou qui a qualifié de scandaleux la représentation de la Tunisie lors du parlement arabe par un élu retiré.
Le premier élu à avoir pris la parole dans le cadre de l’ordre du jour de la plénière, fut Ibrahim Hamdi qui s’est interrogé sur les raisons de l’assassinat d’un homme pieux tel que Mohamed Brahmi.
Abderraouf Ayadi quant à lui est revenu sur le gel des activités des élus de l’ANC par le président, en considérant que c’était illégal, il a déclaré que ces décisions prouvaient qu’il n’y avait pas de réels décideurs, Il est par la suite revenu sur la corruption en considérant qu’il n’y avait pas de volonté politique de s’attaquer à ce fléau. Sur la question du dialogue national parrainé par les organisations, il s’est interrogé sur la place des politiciens dans ce dialogue. Concernant les prérogatives, il a déclaré que la volonté était de faire de l’ANC un parlement à la Ben Ali, et qu’il était judicieux pour les organisations de s’occuper de leurs affaires, des réformes sociales et de s’attaquer aux fléaux rongeant leurs secteurs. Il s’est adressé aux avocats en leur conseillant d’assainir le métier avant de parler, en leur donnant l’exemple d’une avocate inscrite à l’ordre sans diplôme. Il a clos son intervention en affirmant qu’il était impossible de faire taire les élus, vu qu’ils sont des élus de plein droit. Son intervention a été vivement applaudie.
Abdessalem Chaabane est revenu sur la mort de Mohamed Belmufti à Gafsa et demande des éclaircissements du Ministre de l’intérieur.
Haythem Belgacem de son côté a considéré que l'ANC avait perdu de son éclat au fil du temps et qu'elle était devenue banale.
Faiçal Jadlaoui est revenu sur la menace de mort sur la secrétaire générale de l'UGET et a demandé pourquoi est-ce que la personne l'ayant informée n'avait pas été interrogée, il s’est adressé aux organisations parrainant le dialogue national en leur demandant pourquoi elles discutaient avec ceux qui ont fraudé pendant 50 ans.
Hassan Radhouani a soulevé la question de la durée légale des travaux de l'ANC, en expliquant qu'il n'y avait pas de seuil maximal, il est revenu sur le fait de ne pas apparaitre à la télé nationale, et a considéré qu’il était de son droit d'y être présent.
Sahbi Atig est revenu sur le document qui a été dévoilé en considérant que cette fuite était un acte grave et qu’il fallait enquêter. Il a aussi considéré grave le fait d’avoir eu connaissance de ce document, et de ne pas avoir fourni de protection à la cible, et qu’il fallait enquêter sur ça aussi. Il s’est par la suite adressé au ministre de la justice par rapport aux textes de lois relatifs aux arrestations des journalistes et a donné la position du bloc Ennahdha qui s'oppose à la privation de liberté des journalistes, dans le cadre de la liberté de la presse. Il a aussi critiqué la prise de position de l'association des magistrats, et leur a demandé de faire preuve de plus de neutralité. En considérant que pour les magistrats, tout comme la presse, la prise de position touche à leur image et a insisté sur la nécessité de faire preuve de neutralité. Il a évoqué la question du dialogue national en insistant sur le fait que les élus présents étaient des élus de plein droit, et que si nouveau gouvernement il y a, il devra être redevable devant l’assemblée. Toujours par rapport au dialogue national, il a dit que le bloc est pour le dialogue, qu’il y a des réserves sur certaines positions, mais que le dialogue demeurait la seule solution permettant de sortir le pays de la crise, et capable de préserver la transition.
Nejib Hosni a trouvé attristant que le gouvernement ne puisse pas contrôler les ministres régaliens, il est revenu sur les quatre organisations parrainant le dialogue national, et a considéré que l'ANC était souveraine. Parlant des manifestants du Bardo, il a déclaré qu’ils étaient payés, et qu’il s’agissait de malfrats. Il a aussi appelé à refuser toute proposition de nouveau gouvernement. Il a déploré la décision de geler les travaux de l'ANC par Mustapha Ben Jaafar durant le mois dernier, car des projets de lois avaient été retardés.
De son côté, Tahar Hmila a déclaré être le président du plus grand bloc à l'ANC, le bloc du peuple et a appelé les élus à rejoindre son bloc. Il est revenu sur le document dévoilé et a affirmé croire le chef du gouvernement quand il a déclaré ne pas savoir pour le document. Il a estimé que ce dernier aurait dû limoger le ministre de l’intérieur et tous les responsables au sein du ministère. Revenant sur la situation de gel des activités des travaux de l’ANC, il a déclaré que quand il avait été possible de rectifier le tir avec une plénière inaugurale à nouveau, les élus ont eu peur et Mustapha Ben Jaafar est revenu. Prenant plus du temps qu’il lui était imparti, la présidente lui a demandé à de conclure, ce qui a causé la colère de ce dernier, il lui a rappelé qu’il avait été élu par le peuple et que c’était lui qui l’avait nommé présidente, il a conclu en déclarant que cette ANC n’était pas bien constituée, et qu’il fallait la reprendre à nouveau. Il a aussi accusé lors de son intervention le gouverneur de Sousse de corruption, et Noureddine Bhiri de terroriser les magistrats.
Monia Brahim a demandé un point d’ordre suite à l’intervention de Tahar Hmila pour dénoncer les accusations de corruption qu'il a porté au gouverneur de Sousse et lui a demandé d’apporter des preuves, ou alors le gouverneur se verrait accordé un droit de réponse.
Abderrazak Khallouli a demandé au Ministre de l’intérieur s’il avait su pour le document par les médias, ou s’il savait avant ? Par rapport aux élus retirés, il a déclaré les respecter, mais leur a demandé de ne pas se faire manipuler par autrui.
Tarek Bouaziz a déclaré quant à lui que le problème de cette ANC, était son président, Il a aussi déclaré qu’il ne considérait pas les élus retirés comme étant des collègues.
Jdidi Essbouii a demandé des éclaircissements auprès du Ministre de l’intérieur sur le document dévoilé.
Salma Sarsout a considéré que celui qui a dissimulé le document, était celui qui l'avait dévoilé maintenant. Elle a déclaré qu'il y avait une volonté de nuire derrière le fait de dissimuler le papier et de le sortir maintenant.
Mohamed Habib Harguem a considéré que le gouvernement actuel était un gouvernement constituant. Il est revenu sur les grèves et a considéré qu'ils faisaient perdre de l'argent aux caisses de l'Etat. Il a appelé la presse et les magistrats à faire preuve de professionnalisme et de neutralité.
Omar Chetoui a considéré que les pouvoirs existants avaient tous des défaillances, il a parlé du pouvoir médiatique, qui selon lui, n'avait pas réussi à éveiller politiquement le peuple.
Hichem Ben Jemaa a critiqué la feuille de route des organisations parrainant le dialogue national, et a demandé aux ministres s’il était permis aux magistrats, de prendre position publiquement, pour quelqu'un ou un autre. Il par ailleurs déclaré son attachement à la mission de l'ANC dans son intégralité.
Mohamed Neji Gharsalli a expliqué les raisons de sa démission du bloc démocratique. Parmi les raisons selon, une volonté de supprimer l'islam de la constitution. Il a aussi évoqué l'image que renvoyait l'administration judiciaire tunisienne par son deux poids deux mesures.
Habib Khedher s'est adressé aux ministres de l'intérieur et de la justice en demandant des éclaircissements par rapport aux interventions des policiers dans les lieux de culte, et a demandé au ministre de la justice comment est-ce que des prisonniers ont pu s’échapper de la prison de Gabes.
La séance matinale a été levée à 13h07 et la présidente a insisté sur la reprise à 14h.
Finalement, la séance a repris à 14h33, la présidente a commencé par donner l'ordre de parole des élus pour poser leurs questions aux membres du gouvernement.
Lobna Jeribi a déploré la position de certains élus qui sont contre le dialogue national, elle a considéré que ce comportement était inacceptable, surtout à l'heure ou le dénouement de la crise est proche. Elle a déclaré qu'il aurait été plus judicieux que les plénières commencent en alignement avec le dialogue national. Elle a posé une question au ministre de la justice relative aux deux poids deux mesures du ministère dans le traitement des affaires, mais aussi par rapport à la fuite de certains PV de garde à vue à des organisations terroristes, ce qui prouve que le ministère est infiltré. Elle a par la suite demandé des éclaircissements par rapport au document dévoilé auprès du ministre de l’intérieur.
Lazhar Chamli a exprimé son attachement à l'indépendance de la justice, mais il a souligné que le ministère se devait de poursuivre ceux qui portaient atteinte à la sureté d'Etat
Samia Abbou de son côté, a évoqué l'intervention de Taieb Laaguili sur MosaiqueFM qui a dévoilé des informations relatives au document du Ministère de l’intérieur, Elle a considéré que ce dernier devait donner les fonctions non pas les noms vu la gravité de la situation. Elle a aussi demandé toute la vérité concernant ce document du Ministère de l’intérieur et a par ailleurs évoqué l'affaire des hommes d'affaires dévoilée par Nawaat. Elle a par la suite déclaré que le pays ne pourrait pas supporter une 3ème période de transition. Finalement, Samia Abbou a clôt son intervention avec un nombre de revendications, notammentdes instances indépendantes, régulation du financement des partis.
Basma Jebali a évoqué la question de la police parallèle et a considéré qu’elle était responsable de la fuite de ce document du Ministère de l’intérieur et qu’elle communiquait avec des personnes de l'opposition. Elle a considéré que c'était une preuve qu'une police parallèle existe bel et bien mais qu'elle n'est pas une branche d’Ennahdha comme certains le prétendent. Elle a par la suite posé une question au ministre de la justice par rapport au respect des procédures concernant l’affaire de Zied El Heni.
Anouar Marzouki de son côté a demandé des éclaircissements concernant le document du ministère de l’intérieur, et sur les responsables de ce laxisme. Il a par la suite estimé que s’il est prouvé que le ministre n’avait pas su gérer la menace, il devrait démissionner avec le gouvernement.
Abdellatif Abid a demandé s’il y avait des mises à jour quant à l'enquête sur l'assassinat de Chokri Belaïd, il a demandé des éclaircissements quant à la véracité du document en rapport avec l’assassinat de Mohamed Brahmi, et s’il y avait du nouveau quant à la coopération avec la Lybie par rapport au trafic d’armes.
Bechir Nefzi a salué les efforts du ministère de l'intérieur pour rétablir l'ordre dans cette situation critique.
Par la suite, la présidente a donné la parole aux ministres pour répondre aux questions des élus, le Ministre de l’intérieur, Lotfi Ben Jeddou a pris la parole en premier, il a expliqué qu’en 6 mois de fonction, le ministère est parvenu à rétablir la sécurité, et qu’ils luttaient contre le départ de jeunes en Syrie, mais qu’avec ça, ils subissaient les attaques des organisations de défense des Droit de l’Homme leur demandant pourquoi ils empêchaient ces jeunes de voyager.
Le ministre a par la suite admis l’échec du ministère pour protéger Mohamed Brahmi, mais qu’ils avaient réussi à déjouer plusieurs attentats, y compris le 27 Ramadan. Il a par la suite parlé des réussites du ministère, en termes de rétablissement de la production du phosphate, du redémarrage du tourisme, et a évoqué l’achat de nouveaux matériels pour le ministère. A la fin de l’énonciation des réalisations du ministère, le ministre a demandé à ce qu’on cesse avec ce ton décourageant, et a fait référence au fait que certains directeurs dormaient au ministère afin d’assurer la sécurité de tous. Il a par la suite estimé que la situation de la Tunisie par rapport à d’autres pays du printemps arabe était bien meilleure au niveau sécuritaire.
Par la suite, le ministre de l’intérieur s’est exprimé au sujet du document dévoilé. Il a expliqué que le ministère reçoit un nombre important de documents, des fois à caractère plus important, et que ce document en question a circulé de façon habituelle, que les services concernés avaient été informé, et qu’il n’avait pas lui, à l’être. Il a par la suite déclaré que leur source leur avait déjà communiqué des informations plus importantes, sans que l’acte ne se produise au final, et que ce document, émettait une hypothèse, mais qu’il avait été traité convenablement, qu’il avait été traduit et transmis, et que malheureusement, l’événement a eu lieu avant que les services concernés n’aient pu protéger la victime. Il a par la suite expliqué que Mohamed Brahmi n’avait jamais demandé de protection, que sa famille non plus, et que cet assassinat restera toujours le point noir de la prestation du ministère durant ces six derniers mois. Le ministre a considéré que derrière cet acte, c’est le ministère qui était visé.
Par rapport à la question de la police parallèle, le ministre a donné sa définition, en expliquant qu’il y avait plusieurs personnes qui souhaitaient infiltrer le ministère, qu’elles prêtent allégeances à des clans de l’ancien régime, ou d’autres personnes.
Par rapport aux archives politiques, le ministre s’est déclaré pour leur ouverture, mais qu’il fallait que ça soit fait par des experts en archivage, il a aussi expliqué que si les élus y tenaient, il y a un moyen de contourner la procédure via une loi de 1982 qui permet d’ouvrir les archives politiques par décision du gouvernement.
Par rapport au contrôle des mosquées, le ministre a expliqué que le ministère a agi avec beaucoup de précaution, dans le respect de l'intégrité des lieux de culte, il a aussi déclaré que les opérations de prise de contrôle avaient été filmées afin de veiller à ce que l’intégrité des lieux soit préservée.
Le ministre s’est aussi exprimé par rapport aux syndicats des forces de l’ordre, il a expliqué que le ministère n’avait pas de contrôle sur elles, que certains faisaient du bon travail, mais qu’ils étaient en procès contre d’autres.
Le ministre a expliqué par la suite que certaines informations par rapport au dossiers des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi ne pouvaient être divulguées pour raisons judiciaires. Il a clôt son intervention en expliquant que quand il était venu à Tunis, il n’avait pas ramené sa famille, parce qu’il savait qu’il était de passage, et que de ce fait, il n’avait aucun problème pour repartir de là où il est venu.
La parole a été donnée par la suite au ministre de la justice, qui s’est défendu des allégations de non contrôle de son ministère, et qui a évoqué le principe de solidarité gouvernementale. Il a par la suite parlé de l’indépendance de la justice, en expliquant que ce qui était voulu, c’était l’indépendance de la justice vis-à-vis du ministère, mais qu’on oubliait sa dépendance à la société. Il a aussi évoqué les avis de certains juristes dans les médias, en expliquant qu’ils voulaient se montrer plus royalistes que le roi, et qu’ils voulaient toujours que leur avis soit vrai.
Par rapport au ministère public, le ministre a parlé de son indépendance, et de celle du procureur de la république de ce fait, en le démontrant par les textes de loi le prouvant. Il a aussi déclaré qu’il fallait réformer l’éducation, pour avoir une justice indépendante.
Sur l’affaire du journaliste Zied El Hani, le ministre a expliqué que le ministère n’était pas intervenu, et qu’il n’avait pas d’autorité pour statuer à la place des magistrats, et que de ce fait, celui qui devrait être auditionné devant les élus aujourd’hui, est le président de l’instance provisoire de la justice.
Il a aussi évoqué l’affaire Weld XV, en expliquant que les circonstances précédant la chanson sont la cause du jugement, que ça ne justifie pas le jugement, mais que ça l’explique.
Le ministre a clôt son intervention en parlant de la situation des tribunaux, que le ministère tente de sécuriser comme il peut. Il aussi parlé de la situation des prisons, en évoquant une stratégie de restructuration qui était en cours, et a évoqué le cas de la prison de Gabes, qui selon lui subit encore les séquelles du saccage lors de la révolution.
La présidente a par la suite donné la parole à l’élue Souad Abderrahim, présidente de la commission des Droits et Libertés relations étrangères, qui a annoncé la création d’une délégation issue de la commission, dont le martyr Mohamed Brahmi était membre, et qu’elle aura pour rôle de suivre l’avancement de l’enquête sur l’assassinat de Mohamed Brahmi.
La parole a par la suite été donnée aux élus Slimen Helal, Zohra Smida, Nejid Mrad, Khalid Belhaj et Neji Gharsalli en vertu de l’article 89, avant que la séance ne soit levée à 17h40.