Pouvoir judiciaire

Constitution de la république tunisienne - version finale adoptée
Article 102

Le pouvoir judiciaire est indépendant et garantit l’instauration de la justice, la suprématie de la Constitution, la souveraineté de la loi et la protection des droits et des libertés.

Le magistrat est indépendant. Il n’est soumis dans l'exercice de ses fonctions qu'à l'autorité de la loi.

Article 103

Le magistrat doit être compétent, il doit faire preuve de neutralité et d’intégrité, Il doit répondre de toute défaillance dans l’accomplissement de ses fonctions.

Article 104

Le magistrat bénéficie d'une immunité pénale, il ne peut être poursuivi ou arrêté tant qu'elle n'a pas été levée. En cas de flagrant délit d’infraction, il peut être arrêté et le Conseil de la magistrature dont il relève décide de la suite à donner à la demande de levée de l'immunité.

Article 105

Le métier d’avocat est un métier libre et indépendant, qui participe à la réalisation de la justice et à la défense des droits et libertés. L’avocat bénéficie des garanties légales qui lui assurent une protection et lui permettent l’exercice de ses fonctions.

JURIDICTION JUDICIAIRE ADMINISTRATIVE ET FINANCIÈRE

Article 106

Les magistrats sont nommés par décret présidentiel sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

La nomination aux hautes fonctions judiciaires se fait par ordre présidentiel après consultation du chef du gouvernement et sur la base d’une liste exclusive fournie par le Conseil Supérieur de la Magistrature. La loi détermine les hautes fonctions judiciaires.

Article 107

Le magistrat ne peut être muté, sans son accord, et il ne peut être révoqué ni suspendu de ses fonctions et ne peut subir de sanction disciplinaire que dans les cas et selon les garanties formulées par la loi et par décision motivée du Conseil supérieur de la magistrature.

Article 108

Toute personne a le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable, les justiciables sont égaux devant la justice. Le droit d’ester en justice et le droit de la défense sont des droits garantis. La loi facilite l'accès à la justice et assure aux plus démunis l'aide judiciaire.

La loi garantit le double degré de juridiction.

Les audiences des tribunaux sont publiques, sauf si la loi prévoit le huis clos. L'énoncé du verdict n'a lieu que lors d'une audience publique.

Article 109

Toute ingérence dans le fonctionnement de la justice est interdite.

Article 110

Les catégories de tribunaux sont créées par une loi. Sont interdites, la création de tribunaux d’exception et l’édiction de procédures exceptionnelles de nature à porter atteinte aux principes d'un procès équitable.

Les tribunaux militaires sont des tribunaux compétents pour les crimes militaires. Leur compétence, leur structure, leur fonctionnement, leurs procédures et le statut de leurs magistrats sont déterminés par la loi.

Article 111

Les décisions sont rendues au nom du peuple et sont exécutées au nom du Président de la République. Leur inexécution ou l'entrave à leur exécution sans motif légal sont interdites.

LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

Article 112

Le Conseil supérieur de la magistrature est composé de quatre organes : le Conseils de la justice judiciaire, le Conseil de la justice administrative et le Conseil de la justice financière ainsi qu'une instance des conseils juridictionnels et l’assemblée plénière des trois conseils juridictionnels.

Chaque organe se compose pour deux tiers de magistrats en majorité élus et d’autres nommés ès qualités, et pour le tiers restant de non-magistrats indépendants parmi les spécialistes ; à condition que la majorité des membres de ces organes soient élus. Les membres élus exercent leurs fonctions pour un seul mandat d'une durée de six années.

Le Conseil supérieur de la magistrature élit son Président parmi ses membres ayant la qualité de magistrats du plus haut grade.

La compétence de chacun de ces quatre organes, sa composition, son organisation et sa procédure sont déterminées par la loi.

Article 113

Le Conseil supérieur de la magistrature est doté de l’autonomie administrative et financière, il assure indépendamment son fonctionnement et établit son projet de budget, qu'il discute devant la commission compétente de l'Assemblée des représentants du peuple.

Article 114

Le Conseil supérieur de la magistrature veille au bon fonctionnement de la justice et au respect de son indépendance. L'instance des conseils juridictionnels propose les réformes et donne son avis sur les projets de lois relatifs au système juridictionnel qui lui sont obligatoirement soumis ; les trois conseils sont compétents pour statuer sur les questions relatives à la carrière et à la discipline des magistrats.

Le Conseil supérieur de la magistrature prépare un rapport annuel qu'il transmet au Président de l'Assemblée du peuple, au Président de la République et au Chef du gouvernement, dans un délai ne pouvant pas dépasser le mois de Juillet de chaque année. Ce rapport est ensuite publié.

L'Assemblée des représentants du peuple discute le rapport annuel à l'ouverture de l'année judiciaire au cours d'une séance plénière de discussion avec le conseil supérieur de la magistrature.

JURIDICTION JUDICIAIRE

Article 115

L’ordre judiciaire est composé d’une Cour de cassation, de tribunaux de second degré et de tribunaux de première instance.

Le ministère public fait partie de la justice judiciaire et bénéficie des garanties que lui assure la Constitution. Les juges du ministère public exercent leurs fonctions dans le cadre de la politique pénale de l’Etat conformément aux procédures fixées par la loi.

La Cour de cassation élabore un rapport annuel qu’elle soumet au Président de la République, au Président de l’Assemblée des représentants du peuple, au chef du gouvernement et au Président du Conseil supérieur de la magistrature. Ledit rapport est publié.

La loi fixe l'organisation de la justice judiciaire, ses compétences, les procédures suivies et le statut de ses magistrats.

JURIDICTION ADMINISTRATIVE

Article 116

La justice administrative se compose du Tribunal administratif supérieur, de tribunaux administratifs d'appel et de tribunaux administratifs de première instance.

La justice administrative est compétente pour statuer sur l’excès de pouvoir de l’administration et sur tous les litiges administratifs. Elle exerce une fonction consultative conformément à la loi. Le tribunal administratif supérieur établit un rapport général annuel qu’il transmet au Président de l'Assemblée du peuple, au Président de la République, au Chef du gouvernement et au Président du Conseil supérieur de la magistrature ; le rapport est ensuite publié. La loi fixe les règles d’organisation et de compétence de la justice administrative, ses procédures ainsi que le statut de ses magistrats.

JURIDICTION FINANCIÈRE

Article 117

La justice financière se compose de la Cour des comptes avec ses différentes instances.

La Cour des comptes contrôle la bonne gestion des deniers publics conformément aux principes de la légalité, de l'efficacité et de la transparence. Elle statue en matière de comptes des comptables publics. Elle évalue les méthodes comptables et sanctionne les fautes y afférentes. Elle aide les pouvoirs législatif et exécutif à contrôler l’exécution des lois de finances et la clôture du budget. La Cour établit un rapport général annuel qu’elle transmet au Président de la République, au Président l'Assemblée des représentants du peuple, au Chef du gouvernement et au Président du Conseil supérieur de la magistrature.

Ce rapport est ensuite publié. Si nécessaire, la Cour des comptes établit des rapports spécifiques qui peuvent être publiés. Ces rapports sont rendus publics.

La loi fixe les règles d’organisation, de compétence et de procédures relatives à la Cour des comptes, ainsi que le statut de ses magistrats.

COUR CONSTITUTIONNELLE

Article 118

La Cour constitutionnelle est une instance juridictionnelle indépendante composée de douze membres choisis parmi les personnes compétentes, ayant une expérience de vingt années au moins et dont les trois quarts sont spécialisés en droit.

Le Président de la République, le Président de l’Assemblée des représentants du peuple, et le Conseil supérieur de la magistrature proposent chacun 4 candidats dont les trois quarts doivent être spécialisés en droit, et ce, pour un mandat unique d’une durée de 9 années.

Le renouvellement du mandat des membres de la Cour se fait par tiers tous les trois ans. Pour le comblement de vacance dans la composition de la Cour, il est procédé au remplacement suivant le même mode utilisé lors de sa formation, en tenant compte de l’organe qui propose la candidature et de la spécialité.

Les membres de la Cour élisent un Président et un vice-président parmi eux, spécialisés en droit.

Article 119

Il est interdit de cumuler la qualité de membre de la Cour constitutionnelle avec l’exercice de toute autre fonction ou mission.

Article 120

La Cour constitutionnelle est seule compétente pour contrôler la constitutionnalité :

Des projets de lois qui lui sont soumis par le Président de la République ou par le chef du gouvernement ou par trente élus de l'Assemblée des représentants du peuple dans un délai maximum de 7 jours à compter de la date d’adoption du projet de loi par l’Assemblée ou de la date d’adoption du projet de loi dans une version amendée après renvoi par le Président de la République,

Des projets de lois constitutionnelles qui lui sont soumis par le Président de l'Assemblée du peuple, selon les modalités de l'article 144, ou afin de contrôler le respect des procédures de révision de la Constitution,

Des Traités internationaux qui lui sont soumis par le Président de la République, avant la promulgation de la loi d’approbation,

Des lois qui lui sont soumises par les tribunaux, suite à une exception d'inconstitutionnalité à la demande de l'une des parties à un litige, dans les cas et selon les procédures définies par la loi,

Du règlement intérieur de l’Assemblée du peuple qui lui est soumis par son Président.

La Cour constitutionnelle exerce les autres attributions qui lui sont reconnues en vertu de la Constitution.

Article 121

La Cour rend sa décision dans un délai de 45 jours à compter de la date de recours pour inconstitutionnalité et à la majorité absolue de ses membres. La décision de la Cour énonce la constitutionnalité ou l’inconstitutionnalité des dispositions faisant l’objet du recours. Sa décision est motivée et s’impose à tous les pouvoirs ; elle est publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne.

En cas d’expiration du délai fixé par le paragraphe premier sans que la Cour n’ait émis sa décision, elle est liée par la transmission immédiate du projet au Président de la République.

Article 122

Le projet de loi inconstitutionnel est renvoyé au Président de la République et de là devant l’Assemblée du peuple pour une deuxième lecture conformément à la décision de la Cour constitutionnelle. Le Président de la République doit renvoyer le projet de loi, avant sa promulgation, devant la Cour constitutionnelle qui examine sa constitutionnalité

Dans le cas de l’adoption du projet de loi par l’Assemblée, dans une version amendée après son renvoi, et si la Cour a déjà affirmé sa constitutionnalité ou l’a transmis au Président de la République pour cause d’expiration des délais le concernant, il incombe, obligatoirement, au Président de la République de le transmettre à la Cour avant promulgation.

Article 123

Quand la Cour est saisie suite à une exception d'inconstitutionnalité, elle se limite à examiner les moyens invoqués, sur lesquels elle statue dans un délai de trois mois renouvelable pour une même période une seule fois et sur la base d'une décision motivée de la Cour. Lorsque la Cour constitutionnelle prononce l’inconstitutionnalité d’une loi, l’application de ladite loi est suspendue, dans les limites de ce qui a été décidé par la Cour.

Article 124

La loi fixe les règles d’organisation de la Cour constitutionnelle et les procédures applicables devant elle ainsi que les garanties dont bénéficient ses membres.