Séance plénière à la mémoire de Chokri Belaid

Jeudi 07 février 2013

Aujourd’hui, 07 Février 2013, une journée très tendue à l’Assemblée Nationale Constituante suite au meurtre de Chokri Belaid, Secrétaire Générale du Parti des Patriotes Démocrates Unifiés et Coordinateur Général du Front Populaire, le 06 Février 2013.

A 10h, Il y a eu une réunion de l’opposition en présence de députés du bloc démocrate et d’autres indépendants en attendant une annonce officielle de la tenue d’une séance plénière l’après-midi. Les élus ont été informés par SMS de la plénière à 15H et c’est Karima Souid, chargée de communication et de la relation avec les médias au bureau de l’ANC, qui nous a confirmé la tenue de cette plénière avec comme ordre du jour l’assassinat de Chokri Belaid.

Vers 12h30, il y a eu une autre réunion composée essentiellement de députés Ennahdha, CPR, Takatol, Wafa et quelques indépendants.

Parmi les points exposés, c’est Lobna Jeribi qui avait insisté sur la nécessité de dissoudre les Ligues de Protection de la Révolution et que la justice puisse jouer son rôle. Elle a critiqué le fait de mettre sur le devant de la scène le projet de loi d’immunisation de la révolution, en disant que la priorité maintenant à une union parlementaire et la garantie d’une constitution à caractère civil. L’intervention de Lobna Jeribi a été soutenue par Abderrazek Khalouli qui a insisté sur le fait qu’il est hors de question que l’ANC promulgue des lois d’exclusion, ce n’est pas son rôle.

Walid Bennani qui modérait le débat a expliqué la nécessité de ce front qui n’est pas politique ou électoral mais parlementaire, au sein de l’assemblée pour créer une union solide.

C’est Bechir Nefzi qui a pris la parole ensuite pour condamner ceux qui ont parlé de légitimité du sang hier soir dans les médias. Il dénonce le danger de la situation en disant que ce sont des personnes qui ne respectent pas les urnes. Il parle aussi de coup d’Etat qui se prépare depuis hier et que la seule institution ayant une légitimité c’est bien l’ANC. Il s’attarde aussi sur le projet de loi d’immunisation de la révolution en disant que, lui et tous ceux qui soutiennent ce projet, le défendront même sous des balles.

Quant à Samia Abbou, elle a commencé par exprimer sa tristesse suite à la perte de Chokri Belaid et enchaine avec le communiqué des 4 partis publié hier suite à l’assassinat de Belaid en disant qu’ils n’ont pas respecté la victime et ont utilisé la conjoncture pour faire de la surenchère politique. Elle dit que la responsabilité est celle de Beji Caied Essebsi et que c’est un complot de son mouvement car BCE a dit il y a quelques temps : « Ils quitteront le pouvoir avant de passer la loi d’exclusion des RCD ». Elle n’a pas arrêté de condamner et dire qu’ils ont utilisé Chokri Belaid et a affirmé soutenir Hamadi Jebali suite à son discours, qu’elle le préfère à Rached Ghannouchi et son aile. Samia Abbou a expliqué que dans ses déclarations, H.Jebali a donné à l’opposition ce qu’elle devrait vouloir, il leur a offert un gouvernement de salut national et il les a « dénudés ». Ils se sont donc tournés vers l’ANC pour mettre en question sa légitimité.

A son tour, Amel Azzouz a voulu mettre le point sur le fait que nous sommes pas dans une phase où il est normal d’avoir un pouvoir et une opposition et a critiqué cette dernière en disant qu’elle fait de la surenchère politique avec la mort de Chokri Belaid. Elle a dit que la proposition de faire un front émane d’une idée d’union parlementaire à laquelle on peut donner n’importe quel nom mais quoi doit faire face à la contre-révolution. Elle a terminé en disant :

 

Que toutes les idéologies et différences politiques aillent au diable, il faut impérativement s’unir.

Amel Azzouz - Bloc Nahdha

Habib Ellouz a ensuite pris la parole pour appeler au calme et à équilibrer le discours contre l’opposition dans sa totalité, il ne faut pas condamner tout le monde. Il enchaine en disant que cette union parlementaire doit prouver la légitimité de l’ANC malgré les différences pour respecter leurs engagements en tant que député.

Tarek Labidi a suscité des réactions dans la salle en disant que la loi d’exclusion des RCD est faite pour les élections alors qu’on n’est pas arrivé aux élections. C’est donc pour satisfaire l’aile dure d’Ennahdha. Jawhara Tiss s’est mis à crier et Adel Ben Attia a quitté la salle en colère.

Mahrzia Labidi est arrivée dans la salle de réunion pour communiquer des avis émis durant la réunion avec les présidents de blocs qui avaient des réserves au sujet de l’ordre du jour de la plénière extraordinaire et si ça ne serait considéré comme un manque de respect envers le défunt car le débat en plénière peut mener à des accusations. Elle a déclaré que la séance est maintenue en demandant de respecter le défunt et se montrer responsables.

La réunion s’est achevée avec l’intervention d’Abou Yaareb Marzouki qui a dit qu’on parle de complots de la part de l’opposition mais qu’il y a aussi de l’indécision et de la défaillance de la part de la Troïka. Il a insisté que c’est le rôle de l’assemblée de mettre en place un calendrier et s’y tenir, d’approuver un gouvernement de salut national, se concentrer sur la constitution et préparer les élections.

Cette réunion a repris plus tard avec l’arrivée du bloc Wafa avec Abderraouf Ayadi, Azed Badi, Jawhara Tiss qui insiste sur le fait que la situation est sensible et qu’il faut être responsable en équilibrant les propos. Elle a aussi mentionné que la loi ne permet pas à Hamadi Jebali de prendre les décisions qu’il a annoncées hier. Elle a aussi demandé de ne pas s’ériger en investigateurs les uns contre les autres.

Salma Sarsout a aussi pris la parole pour demander à quoi servirait la plénière si c’est juste pour réciter la Fatiha. Elle a dit que l’assemblée doit assumer son rôle.

Finalement, Ali Fares a critiqué le fait qu’il y ait eu des déclarations individuelles de la part du président et du chef du gouvernement. Ils auront du se présenter à l’ANC à la place.

 

4 balles ont touché Chokri Belaid et une 5ème a touché la légitimité hier.

Ali Fares - Bloc Nahdha

 

Avant de quitter la réunion, c’est Soulef Ksontini qui a demandé de réciter aussi la Fatiha à la mémoire du policier mort pendant les manifestations d’hier.

La plénière a début plus tard vers 15h40 sous la présidence de Mustapha Ben Jaafer et tout le monde s’est levé pour réciter la Fatiha à la mémoire de Chokri Belaid. Des députés Nahdha ont demandé aussi de réciter la Fatiha à la mémoire du policier.

Le groupe démocrate a interrompu ensuite la présidence pour donner la parole à Mongi Rahoui qui annoncer la décision de son bloc. Ben Jaafer a tout de même terminé son discours qui contenait un appel contre la violence, la division et insistance pour être fidèles aux générations tunisiennes de lutte. Il a dit que l’assassinat de Belaid est l’assassinat de tous les tunisiens et de tout le pays pour ensuite parler de constitution, de calendrier précis, d’institutions stables, de loi électorale et de débat national avec l’UGTT.

Mongi Rahoui a finalement pris la parole pour présenter ses condoléance à tout le monde suite à la perte de Chokri Belaid. Il a fait l’éloge de sa personne.

 

Sa parole était telle une balle et ils l’ont tué avec des balles réelles.

Mongi Rahoui - Bloc Démocrates

Il a parlé de l’histoire des militants de gauche en disant qu’ils étaient au cœur de tous les mouvements. Il a ensuite dit que cette assemblée doit revenir à son rôle pour lequel elle a été élue et respecter cette phase constituante. Il a avoué qu’il a toujours appelé au dialogue mais qu’aujourd’hui il faut avouer que cette ANC a échoué et donc il faut soit réussir sa mission soit démissionner. Mongi Rahoui lit ensuite le communiqué du groupe démocrate qui annonce le gel des activités de ce bloc au sein de l’ANC jusqu’à nouvel ordre avant de scander l’hymne national et quitter la salle.

La parole a été donnée après à un nombre de députés:

Sahbi Atig a parlé d’accélération de la transition avec une constitution, des élections et éviter la dissolution de l’ANC.  Nécessité du front parlementaire pour s’unir et réussir la transition.

 

La mort de Chokri Belaid est une perte pour tout le monde.

Sahbi Atig - Bloc Nahdha

 

Azed Badi : On ne veut pas que dans le cadre de notre tristesse suite à ce crime lâche que le bureau de l’ANC décide seul concernant une initiative de l’UGTT. Il faut passer par les présidents des blocs avant.

Samia Abbou s’est contentée de dire que la perte de Chokri Belaid fait énormément mal. Que dieu donne toute la patience à sa femme, ses filles et à toute sa famille.

Mouldi Riahi : L’âme de Chokri Belaid ne mérite pas cette situation décevante. Nos condoléances à sa femme, ses filles, sa famille politique mais aussi à nous-mêmes. Nous avons perdu un compagnon de route. Nous devons honorer sa mémoire en étant fidèles à la réalisation des objectifs de la révolution, chose à laquelle Chokri tenait. Il faut éviter les divisions.

 

Celui qui a commis ce crime veut faire avorter cette transition démocratique et on doit donc s’unir pour le bien de ce pays. Il est nécessaire d’établir un calendrier pour l’adoption de la constitution mais il faut aussi mener des investigations sérieuses concernant ce crime affreux.

Mouldi Riahi - Bloc Ettakatol

 

Mohamed Taher Ilahi qui a commencé par condamner le meurtre de Chokri Belaid en disant que ça cible directement la démocratie qu’on veut instaurer dans notre pays. Il insiste ensuite sur le fait que l’ANC est le pouvoir suprême et il est inconcevable de remettre sa légitimité en cause.

Abderrazak Khalouli a condamné à son tour ce crime et a parlé essentiellement des mêmes choses : Légitimité de l’ANC.

Abderraouf Ayadi : On veut nous pousser à un vide institutionnel et ça suit un agenda douteux préétabli pour mener notre pays à une crise sans précédent. La seule opposition qui existe aujourd’hui en Tunisie est entre ceux qui soutiennent la révolution et les contre-révolution.

 

Les contre-révolutionnaires sont ceux qui maîtrisent les manœuvres de l’ancien régime et ce sont eux qui sont capables de commettre un crime pareil.

Abderraouf Ayadi - Aucun bloc

 

Taher Hmila : Ceux qui sont tristes aujourd’hui pour Chokri Belaid doivent suivre sa pensée et réaliser ce qu’il voulait pour ce pays. Ceux qui utilisent le nom de Chokri Belaid aujourd’hui sont pareils que ceux qui l’ont tué et faire la parallèle entre lui et Salah Ben Youssef est une erreur historique. Il faut aussi s’élever au dessus des intérêts partisans.

 

La troïka est en effet saoule du pouvoir et l’opposition à son tour est entrain de commettre un meurtre contre la liberté.

Tahar Hmila - Aucun bloc

 

Mohamed Allouch a parlé d’absence du gouvernement devant l’ANC pour rendre des comptes. Il espère que ce meurtre politique soit un choc positif pour tout le monde pour réaliser le danger de la situation. Il a aussi insisté sur le fait que la Troïka ne sert pas les intérêts du pays mais l’intérêt de son positionnement et s'est mis à blâmer Mustapha Ben Jaafer.

 

Vous, comme présidents et Troïka, vous avez comploté contre nous élus du peuple pour nous discréditer.

Mohamed Allouch - Aucun bloc

 

Hasni Badri s’est attardé dans son intervention sur les déclarations de Hamadi Jebali qui sont contraires à la volonté de l’ANC. Il a parlé d’un coup d’Etat contre la légitimité et a appelé à s’unir face à la division.

Salah Chouaieb a parlé à son tour de la volonté d’instaurer la peur avec ce crime en confirmant que le peuple tunisien n’a plus peur depuis le 14 Janvier. Il a aussi parlé d’agendas étrangers qui ont mené au meurtre de Chokri Belaid. Il a condamné ensuite les déclarations de ceux qui doutent du rôle de l’UGTT et de son histoire. Finalement, il a parlé des péripéties du remaniement ministériel qui a échoué après 7 mois d’attente car chacun tire vers lui.

Aymen Zouaghi a pris la parole entourés d’élus Aridha qui brandissaient des pancartes sur lesquelles ils avaient écrit : « L’intérêt de la Tunisie au dessus de tout le monde », « L’ANC est légitime » et « Il faut que Jebali démissionne ». Il a dit qu’un gouvernement de technocrates est une bonne idée mais il faut que le gouvernement démissionne avec son chef H.Jebali. Il a donné les propositions de Aridha à la présidence de la République et du gouvernement. Il a aussi demandé qu’on change le président de l’assemblée, Mustapha Ben Jaafer en insistant que son mouvement refuse les personnalités de la Troïka car ils ont échoué.

Latifa Habachi a pris la parole pour présenter ses condoléance à la famille de Belaid, sa femme, à toute la famille des avocats et à tout le peuple tunisien.

Skander Bouallagui a soutenu l’idée d’un gouvernement technocrates qui n’inclura aucune formation politique.

Après les différentes interventions, Mustapha Ben Jaafer a repris la parole pour présenter encore une fois ses condoléances et souhaiter à Chokri Belaid qu’il repose en paix. Il a conclut avec un discours au sujet de la situation actuelle : Divergences d’avis, importance de protéger l’ANC et son rôle et urgence d’établissement d’un agenda de travail.

Cette séance extraordinaire autour de l’assassinat du militant Chokri Belaid a été finalement levée à 17h35 avec aucune annonce de la prochaine séance de travaux de l’ANC.