Séance plénière: Discussion relative à l’accord de prêt du FMI

Jeudi 23 mai 2013

Jeudi 23 Mai 2013, la séance plénière consacrée à la discussion relative à l’accord de prêt du FMI s’est poursuivie à 9h45 sous la présidence de Mahrzia Labidi qui avait jugé que la vérification des présents n’était pas nécessaire puisque c’était une reprise. Notons que cette séance signe le retour de l’élu Ahmed Brahim (Bloc démocrate) après une longue période de convalescence.

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Les interventions des élus ont commencé avec la prise de parole de l’élu Hattab Barakati (aucun groupe) qui avait considéré que le prêt du FMI ouvrira la porte à l’ingérence et l’élue Rim Thairi (aucun groupe) qui avait insisté sur la nécessité de stopper l’endettement, le qualifiant de toxique. L’élu Mohamed Allouch (aucun groupe) a appelé à la nécessité de revoir la fiscalité et à plus de transparence.

Quant à l’élu Sadok Chourou (Bloc Nahdha), il a considéré que l'historique du FMI avec les pays pauvres est noir. Il a dit que le FMI avait demandé dans ses réformes l'exclusion d'Ennahdha à la fin des années 80. Il a aussi ajouté que la laïcisation du système éducatif et culturel était une des réformes demandées par le FMI à cette époque là. Sadok Chourou a aussi déclaré qu’après avoir affaibli Ennahdha à la fin des années 80, c'est à Ansar Al Chariaa que le FMI s'en prend et que cette institution a par ailleurs laïcisé le projet de constitution. Dans son intervention, il a donné des exemples de facultés enseignant les finances islamiques, et a déclaré que l'Islam est la solution.

L’élue Karima Souid, assesseur auprès du président de l’ANC, a pris la parole pour notifier la présidente et l’assemblée que la TTN1 ne diffuse pas la séance plénière, que c’est la TTN2 qui a commencé à  la diffuser avec 15 minutes de retard, et a appelé à prendre des mesures.

Au tour de l’élu Mongi Rahoui (Bloc démocrate), il a déclaré que le prêt contracté n’est destiné à aucun investissement, et de ce fait, il ne peut être créateur de richesses. Au contraire, ce prêt ne servira qu’à alourdir la dette de la Tunisie.

L’élu Jamel Touir (Ettakatol) a considéré que le problème n’est pas de contracter un prêt mais plutôt de comment le payer et l'élu Abderrazak Khallouli (aucun groupe) a considéré qu'il n'est pas de l'intérêt du FMI de promouvoir la transition démocratique dans les pays arabes, et que le fonds se positionne dans chaque pays où un risque d'émergence est détecté. Il a demandé aussi au ministre si le choix du FMI est le seul choix possible ou est ce qu'il y a d'autres alternatives.

En prenant la parole, l’élu Hedi Chaouch (aucun groupe) ne voit pas d'inconvénient à contracter un prêt du FMI du moment que ce prêt ne soit pas un motif d'ingérence du FMI dans les affaires de l'Etat tunisien. Quant à l’élu Rafik Tlili (Wafa), il a considéré que noyer la Tunisie dans les dettes est un crime contre les générations futures. «Cet endettement nous rappelle la date du 12 mai 1881, date de l'accord du Bardo, et nous espérons éviter ça. »

L’élu Mounir Ben Hnia (Bloc Nahdha), a déclaré qu’il est nécessaire d’ouvrir un débat national entre toutes les parties pour parler de la situation dans laquelle est la Tunisie, et a considéré que les grèves et les retards sont une cause de la crise.

L'élu Mohamed Hamdi (Bloc démocrate) a considéré qu'il n'y a pas de fatalité, et que de ce fait, on ne peut pas avoir comme seul choix de contracter un prêt auprès du FMI. Il considère aussi que les propos du gouverneur de la BCT mardi étaient dangereux. Il a ajouté que ses propos sont dangereux car ils minimisent l'impact réel du prêt, et a aussi rappelé que le prêt du FMI n'est pas le seul choix. Il a par ailleurs appelé à un dialogue national sur la nécessité de changer le modèle économique.

L'élu Fadhel Moussa (Bloc démocrate) a demandé au ministre des finances comment peut-on dire qu'avec les réformes proposées par le fonds, on peut parler de non ingérence et de non atteinte à la souveraineté.

Au tour de l'élu Haythem Belgacem (CPR), il a soutenu l’idée que les réformes demandées sont irréalisables pour le moment, et que par la suite, il sera difficile de contracter des prêts vu la non réalisation de ses objectifs, et l'élue Ikbel Msadaa (CPR) a trouvé que c'est normal que la notation souveraine de la Tunisie baisse quand le gouvernement considère que nous n'avons d'autres choix que d'emprunter.

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La séance a été ensuite levée pour une durée de 10 minutes et a été reprise avec l’intervention de l’élu Faycel Jadlaoui (Takatol) qui a considéré qu’il y a d’autres alternatives au prêts comme utiliser les biens confisqués par exemple , et qu’il n’y a aucun lieu de comparer avec des pays comme les Etats-Unis ou comme la Grande Bretagne en ce qui concerne le fait de contracter des prêts, parce que ces pays ont des garanties suffisantes pour payer par la suite. Il a par ailleurs considéré qu’il y a d'autres alternatives s’il y avait une volonté de réformer le secteur économique en Tunisie.

L’élu Kamel Ben Romdhane (Bloc Nahdha) a déclaré qu’il y a quelques réserves quant au prêt du FMI, réserves qui sont relatives au fait que le prêt engagera la réalisation de certaines réformes qui porteront atteinte à la souveraineté de l'Etat, et l’élu Kamel Ammar (Bloc Nahdha) a appelé à trouver d’autres alternatives, comme les banques islamiques. Quant à l’élue Soulef Ksontini (Bloc Nahdha), elle a considéré que la situation économique n'est pas apparue cette année, mais que c'est le résultat de plusieurs années de malversations, et qu'il est du devoir de tous de trouver une solution.

La parole a été ensuite donnée à l’élu Slaheddine Zahaf qui a expliqué les raisons pour lesquelles il a été choisi d'opter pour un prêt. En effet, la raison selon lui est l'augmentation du déficit du PIB (de 3% en 2011 à près de plus de 7% maintenant) et que, quand on a rien prévu en matière économique, c’est normal de choisir la solution de facilité qui est celle des prêts. Il a aussi posé une question relative au choix d’un cabinet international pour un audit complet, en demandant si le ce cabinet est un choix souverain ou une recommandation du FMI.

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Après toutes ces interventions, la parole a été donnée au ministre des finances pour répondre aux différentes questions des élus. Il s’est déclaré déçu par les déclarations de certains élus. Il a considéré que la responsabilité a été assumée à un moment difficile, ce qui est plus difficile que de rester à regarder, et que l'élu ne fait critiquer sans raison. Il a par ailleurs invité les élus à ne pas oublier leurs paroles le jour ils seront au pouvoir, et à réaliser les attentes du peuple sans passer par les prêts. Il a considéré que tout le monde sera responsable de ses paroles et qu’il fallait éviter le discours populiste. Il a aussi demandé de le laisser parler sans l’interrompre car il a pris 8h de travail pour les écouter, pour finalement avoir 20 minutes de parole, donc autant le laisser parler sans l’interrompre. Il s’est étonné par la suite de la réaction de certains élus dont els partis sont au pouvoir et qui se désolidarisent complètement de la décision gouvernementale, en considérant que la situation est difficile et qu’il n’y a pas d’autres solutions pour le moment. Il a expliqué que le déficit de la balance des paiements entre hausse des prix du pétrole et baisse de l’exportation.

« Notre situation n’est pas bonne et le FMI ne vient pas proposer un prêt à un pays, au contraire, c’est le pays qui vient vers le FMI, et cette institution n’intéresse que les pays mal en point. »

Le ministre a ajouté que les réformes institutionnelles auxquelles le gouvernement a procédé sont nécessaires, que l’investissement est créateur de richesses, que la fonction publique ne peut pas englober tous les demandeurs de travail et que c’est l’investissement privé qui le fera.

Pour ce qui est de la compensation, le ministre a précisé que le gouvernement ne veut pas la supprimer mais qu’elle est destinée aux revenus moyens et les plus faibles.

« Il n’est pas normal que riches et pauvres soient logés à la même enseigne, et celui qui dit ça n’a rien compris à la révolution et à la justice sociale. »

Le ministre a affirmé que le contact avec le FMI s’est effectué de façon proactive, pour ne pas se retrouver en position de faiblesse, et a ajouté qu’au jour d’aujourd’hui, rien n’a été envoyé au FMI parce que les détails sont toujours en cours d’examen, et donc tout ce qui a été dit, au nom du ministre ou du gouverneur de la BCT, sont des foutaises, selon ses dires.

« Je n’ai entendu aucune critique constructive de la part des élus. Proposez des solutions. Nous sommes entrain d’améliorer les choses mais nous n’avons pas de baguette magique. »

Concernant l’institution fiscale, le ministre l’a qualifié de défaillante en disant que des efforts sont fournis pour régler ça, que ça prend du temps car ça ne peut pas être réglé en une journée, en rajoutant que l’audit de l’administration bancaire n’a toujours pas commencé, que l’idée existe depuis 2011 et ce n’est donc pas une recommandation du FMI.

« Quand l'équipe du FMI est venue, ils avaient demandé quel était le projet du gouvernement pour sauver le secteur bancaire mais ils ne nous ont rien imposé, nous sommes en discussions avec eux. »

Le ministre a expliqué que son équipe a effectué les stress test avec les méthodes les plus évoluées et que la capacité de rembourser nos dettes a été confirmée car notre économie est forte et le sera après les réformes. Il a aussi ajouté que nous avons la possibilité d’être meilleurs que la Turquie et la Malaisie, économiquement parlant, et que la note souveraine a baissé à cause de la période de transition couplée à la crise en Europe et la hausse du prix des carburants.

« Vous avez défendu l’indépendance de la BCT, vous ne devez pas vous contredire maintenant. »

Il a aussi précisé qu’il y a encore un manque en terme de rentrées d’argent et qu’il faut de nouvelles rentrées et réformer l’administration fiscale pour améliorer son rendement. Il a par ailleurs affirmé que les autres pays demandent ce qu’il en est avec le FMI lorsqu’on veut emprunter auprès d’eux, et qu’il faut donc que les négociations avec le FMI aboutissent pour avoir d’autres prêts auprès d’autres pays.

Le ministre s’est attardé ensuite concernant le système de subvention généralisée en disant que c’est un problème auquel il faut s’attaquer, et que ce qui a été dit au FMI c’est que ce système généralisé devienne ciblé, de sorte que celui qui a besoin de plus de subventions en reçoive plus et celui qui en a besoin le moins en reçoive moins.

« Notre objectif, c'est la justice fiscale, pour améliorer les rentrées fiscales, et de ce fait, améliorer les rentrées de l'Etat. »

Le ministre a finalement parlé de la révision de la caisse des compensations et l’audit bancaire sont des choix prévus avant le FMI et que les solutions sont entrain d’être trouvées, en affirmant que de grands chantiers ont été ouverts et que les fruits se verront sur le long terme.

La séance a été levée vers 14h15 après des interventions en vertu de l’article 89.

Présence jeudi FMI

La liste des élus présents à cette séance. Nous tenons à mentionner tout de même que cette présence est variable, certains élus entrent et ressortent de la salle rapidement, d'autres sont restés durant toute la séance, tandis que d'autres sont arrivés en retard ou bien ont quitté assez tôt.