Constitution: Débat général en plénière concernant le chapitre des pouvoirs législatif, exécutif et des relations entre eux
La plénière du Jeudi 21 Février, prévue à 9h30, a débuté à 9h45 sous la présidence de Mahrzia Labidi en présence de 61 députés. La séance, étant une reprise du débat général autour du chapitre des pouvoirs législatif, exécutif et des relations entre eux, le quorum n’avait pas à être vérifié mais la présidence a exprimé son indignation face à ce taux d’absences, spécialement parmi les intervenants figurant dans la liste.
Voici quelques interventions :
- Halima Guenni (Nahdha) qui a dit qu’inclure le fait que le président soit musulman est un respect au peuple tunisien, qui est en sa majorité musulman. Elle a rétorqué : « Vous pensez qu’en Allemagne on permet à un musulman ou autre de devenir président ? ». Elle a enchainé en disant que la majorité aux élections est celle qui doit gouverner et que ceux qui ont perdu seront à l’opposition jusqu’aux nouvelles élections. Elle a évoqué la question de changement de parti après les élections : « C’est est un manque de respect à la volonté des électeurs qui ont voté pour un élu pour une certaine idéologie et idées politiques. Ce n’est pas normal ! ».
- Walid Banneni (Nahdha) a défendu le régime parlementaire en disant que l'année et demi qui vient de passer n'est pas révélatrice de l'effectivité de ce type de régime ajoutant que « Si c’est le cas, autant faire l’évaluation des 50 années passées ». Selon lui, la rupture avec le pouvoir totalitaire sera garantie par le régime parlementaire et la constitution devra garantir la rupture avec la tyrannie. Il explique que son parti a adopté l'idée d'un régime mixte parce que cette phase le nécessite et qu'opter pour un président directement élu par le peuple ne veut pas dire qu'il faut lui donner toutes les prérogatives.
- Sana Mersni (Nahdha) : La révolution exige d’instaurer un régime qui garantit les droits de tous les citoyens. La commission n’a pas précisé clairement le régime politique. Concernant les prérogatives du président, la politique étrangère ne doit pas toujours être octroyée au président mais il faut aussi élargir ses prérogatives. Ajoutant que l’échec d’un régime ne peut pas être jugé immédiatement car cela nécessite une période d’application.
- Hassan Radhouani (Liberté et Dignité) : La Tunisie a vécu sous deux présidents dictateurs, d’où notre demande de réduire les prérogatives du président.
- Mohamed Ali Nasri (aucun groupe) : Concernant le changement de parti après les élections, le député a été élu comme représentant de tout le peuple est non pas une partie du peuple. Si les partis auxquels nous appartenions n’ont pas respecté leurs promesses, il vaut mieux les quitter. Il n’est pas normal qu’on soit traité de traitres. Concernant le régime politique, ce que vit le pays est une preuve de l’échec du régime présidentiel. Je propose l’ajout d’un article citant un régime mixte pour ne pas créer un nouveau dictateur en donnant des prérogatives vastes à un seul pouvoir. Nous demandons de distribuer les prérogatives de l'exécutif entre le président de la république et le chef du gouvernement. Finalement, il se demande pourquoi octroyer l’immunité au président de la république même après la fin de son mandat.
- Tarek Labidi (Takatol) a indiqué qu'il fallait préciser et bien choisir les termes utilisés dans la constitution.
- Badreddine Abdelkefi (Nahdha) a évoqué une politisation du débat sur la constitution, spécialement concernant ce chapitre des deux pouvoirs. Il a dit qu'il faut se débarrasser de ce complexe relatif aux prérogatives du président de la république.
- Mounir Ben Hnia (Nahdha) n’a pas été d’accord avec ceux qui pensent que c'est inutile de mentionner le critère de la religion du candidat. Il a défendu l'idée d'un gouvernement d'une majorité parlementaire. Il a aussi déclaré que l'initiative législative du président de la République ne doit pas faire partie de ses prérogatives.
- Habib Khedhr (Nahdha) a soutenu l'initiative législative populaire et a évoqué l'interdiction de changement des blocs au sein de son mandat d'élu « Il est inconcevable qu'un député élu sur une liste précise/programme précis, change de directives lors de son mandat ». Il a parlé de la nature de la majorité parlementaire qui a le droit de composer le gouvernement en indiquant une ambiguïté dans le texte. Il s’est attardé sur la partie "défense et sécurité". Il trouve que ça met à pied d'égal les 3 parties et c'est inconcevable. Il a proposé de constitutionnaliser la défense et la sécurité dans la partie des dispositions générales. Il a enchainé en disant : « Il y a ceux qui ont un problème avec la disposition relative au parti majoritaire, un parti élu par le peuple. Quel est le problème avec un parti majoritaire issu des urnes ? Vous voulez la démocratie ou vous ne voulez pas ? On veut instaurer un régime politique clair. Ce n'est pas une question de partage des prérogatives entre président et chef du gouvernement. ».
- Jamel Bouajaja (Nahdha) a dit qu'il faut être clair et ne pas avoir peur des positions: On veut un régime laic ou islamique. Il a provoqué une tension dans la salle en parlant de Coran et le serment fait au début du mandat de député. C’est Monji Rahoui qui s’est mis en colère contre lui en disant que c’est ce discours qui crée une division et que le coran n’est pas la propriété d’ennahdha, en réponse à la phrase de Bouajaja qui avait dit que certains députés dans la salle sont mal à l’aise à la vue du Coran. Jamel Bouajaja a repris la parole pour expliquer qu’il ne voulait pas créer de division et qu’il a parlé en son nom, pas au nom de son bloc. Il a proposé d'ajouter dans le serment de député la promesse de se conformer à son programme électoral et a dit qu'il faut que tout candidat à la présidence doit être musulman. Il a défendu aussi l'idée d'un conseil d'iftaa.
- Rim Mahjoub (Bloc démocrate) a fait le point concernant le travail de la commission dont elle est membre et s'excuse de ne pas avoir réussi à établir un consensus. Elle a défendu l'idée de renforcer les prérogatives du président la république, en comparaison à l'expérience actuelle, et l'idée d'octroyer la présidence du conseil ministériel au président de la république pour éviter son isolement. Elle a dit ne pas être d'accord avec Habib Khedhr concernant la partie "défense et sécurité" et qu’il est impératif de constitutionnaliser ces institutions.
- Nadia Chaabane (Bloc démocrate) a dit ne pas être d'accord avec le changement de nomination du parlement. Elle veut garder "chambre des députés" : « Il y a du populisme dans le fait de le changer en "assemblée du peuple". Ce n'est pas ça le changement urgent ou nécessaire à faire. ». Pour elle, Il faut que les conditions soient les mêmes pour le président de la république, le chef du gouvernement et le président de l'assemblée. Elle a dit qu'il faut éviter les distinctions avec les tunisiens à l'étranger: « On n’est pas des citoyens de seconde zone. ». Elle a aussi défendu l'initiative populaire concernant les propositions de lois.
- Rim Thairi (aucun groupe) a dénoncé l’intervention du comité mixte de rédaction et de coordination dans les travaux des commissions et qu’il n’est pas de ses droits de toucher au fond des projets. Concernant le changement des blocs lors du mandat de député, elle a dit que c’est une erreur historique et trahison envers les électeurs.
- Aymen Zouaghi (aucun groupe) s’est attardé dans son intervention sur la question de changement des blocs. Pour lui, c’est un fléau qui a touché toutes les listes mis à part Ennahdha. Il a dit qu’il faut suspendre les activités d’un député qui change de groupe.
L’intervention de Aymen Zouaghi a suscité la colère de Brahim Gassas et d’autres dissidents du mouvement Aridha qui ont commencé à s’accuser de traitrise. Un peu plus tard, le député Aymen Zouaghi, qui avait quitté la salle de plénière, est revenu en interrompant l’intervention en cours pour dire qu’il a été frappé par des collègues députés dehors dans le hall.
Mongi Rahoui (Bloc démocrate) a pris ensuite la parole pour dénoncer des propos publiés sur une page Facebook qu’il dit affiliée à Ennahdha où ses administrateurs l'ont qualifié de mécréant et assuraient qu'il n'avait pas laissé un député du bloc d'Ennahdha citer un verset du Coran. Il a dit vouloir porter plainte contre eux. Walid Banneni a répondu en niant l'existence même de ladite page et en condamnant fortement les discours incitant à la haine ou portant atteinte aux membres de l’ANC.
Il y a eu une tension énorme dans la salle entre plusieurs députés suite à cela et la séance a été levée pour reprendre plus tard et poursuivre la liste des intervenants :
- Soulef Ksontini (Nahdha) a proposé dans son intervention de soumettre au référendum le projet de loi d'immunisation de la révolution et que ceux qui s’opposent à ce projet seront surpris des résultats et de la volonté du peuple.
- Mohsen Kaabi (Nahdha) a demandé la suppression de l’article 68 du projet débattu en disant que le président de la République est après tout un citoyen comme tout citoyen.
- Souad Abderrahim (Nahdha) a défendu l'idée qu'un président de la république doit être élu directement par le peuple. Elle a exprimé son désaccord avec le fait d'inscrire que le président est le chef des forces armées et la sûreté et a insisté dans son discours que le candidat à la présidence peut être une femme. Elle a aussi défendu l'idée de l'initiative législative de la part du peuple et de la part du président de la république aussi. Elle soutient la constitutionnalisation des droits de l'opposition dans le cadre de l'alternance pacifique sur le pouvoir.
- Bechir Lazzem (Nahdha) a dit ne pas être d’accord avec les prérogatives octroyées au président de la république. Il les trouve trop importantes et qu’il faut la neutralité de la présidence loin de toutes les sensibilités politiques. Il a fait un exposé des maladies qui touchent les plus de 65 ans en l’utilisant comme argument pour faire baisser l'âge maximal des candidats à la présidence.
- Sonia Toumia (Nahdha) a dit que le régime parlementaire a été défendu par Ennahdha lors de la campagne électorale, pas lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir. Elle a répondu à Taher Hmila qui avait déclaré que c'est le vent qui l'avait ramené à l'ANC en disant qu’elle est fière d’avoir été ramenée par un vent, le vent de la révolution.
- Samira Merai (Bloc démocrate) a dit qu’il faut apprendre de nos erreurs : «Quel régime suivons-nous ? Quelles solutions pour réguler notre situation ? ». Elle a défendu l'idée que le président doit être à la tête du conseil ministériel pour qu'il ne soit pas isolé de l'exécutif. Concernant les décrets que peut émettre le président, elle a dit qu'il faut séparer deux catégories: la dissolution et les vacances parlementaires. Elle a aussi critiqué la disposition qui dit que le chef du gouvernement est nommé par le parti/coalition majoritaire à l’issue des élections.
La séance a été levée vers 19h15 après l’intervention de Samira Merai et après avoir donné l’ordre des intervenants pour la reprise du débat demain Vendredi 22 Février 2013 à 9h30.