Commission législative des droits et libertés: Audition du ministre des droits de l'Homme et de la justice transitionnelle

Jeudi 14 novembre 2013

L’après-midi du  jeudi 14 novembre 2013, s’est tenue la réunion de la commission des Droits, Libertés et relations étrangères de l’assemblée nationale constituante afin d’auditionner le ministre des Droits de l’Homme et de la Justice Transitionnelle par rapport à la situation actuelle en termes de torture en tunisie.

La présidente de la commission, Souad Abderrahim, a exposé au début l'avis d'ouverture des candidatures pour l'instance nationale de prévention contre la torture, et a expliqué que les candidatures seraient ouvertes dès la publication au JORT et ce jusqu'au 15 Décembre 2013, cachet de la poste faisant foi, elle a par la suite exposé les documents et les conditions nécessaires pour présenter la candidature pour l'instance.

La présidente est par la suite passée à l’ordre du jour et a exposé la situation actuelle relative à la torture, en expliquant qu'il subsistait encore des actes de torture. Elle a par la suite déclaré qu’il fallait les moyens juridiques et matériels nécessaires, afin de lutter contre la torture, et a demandé au ministre de bien vouloir donner des données sur la subsistance de la torture actuellement.

Le ministre a débuté son intervention en expliquant qu'il n'y a eu aucune révolution qui avait rompu directement avec la torture, qu’auparavant, la torture n'était pas utilisée juste pour arracher des aveux, mais aussi pour garder le pouvoir. Il a déclaré qu’aujourd’hui, la torture n’était pas un instrument de l'Etat, mais des dépassements, et qu’elle ne pouvait pas disparaitre avec la disparition de la couverture politique qu'elle avait.

Le ministre a aussi insisté sur le fait qu’il n’était pas possible de se contenter de la prévention contre la torture, mais qu’il fallait aussi guérir ce fléau. Il a considéré que les élus avaient aussi une responsabilité à assumer, vu que le projet de loi sur la Justice Transitionnelle tarde encore à être voté, que peu d’élus ont réellement demandé à savoir ce qui en ressortait vraiment des cas de torture, que plusieurs d’entre eux s’exprimaient sur les cas de torture lors de plénière, vu qu'il y a les médias, mais ne demandaient jamais d'informations.

Le ministre a aussi évoqué qu’au sein de son ministère, il n’y avait pas d’institutions causant la torture, et qu’il aurait fallu inviter le ministre de l’intérieur et celui de la justice. Il a par la suite évoqué la renonciation à l’obligation de réserve au niveau de son ministère, et a comparé son travail à celui d’une ONG. Il a aussi déclaré qu’ils exerçaient une pression au sein des conseils ministériels et au niveau des médias pour faire connaître les cas de torture, que le rôle du ministère était de faire le suivi et d'informer, sans plus, non de faire des manifestations.

La parole a par la suite été donnée aux élus pour poser leurs questions au ministre. Ahmed Smiai a considéré qu'il y avait une attaque agressive de l'anti-révolution qui mettait en doute la non institutionnalisation de la torture, il a considéré que la problématique de la torture était politique, et que tout le monde devait prendre ses responsabilités.

Halima Guenni, quant à elle, a considéré que la torture n'était pas perpétrée sur tous les détenus, mais principalement les salafistes, qu’ils étaient systématiquement victimes de torture, et que les autres cas étaient rares. Elle a par la suite évoqué le cas de Bir Ali Ben Khelifa et a expliqué que si on ne s'y opposait pas, la torture finirait par toucher tout le monde.

Mokhtar Lamouchi de son côté a considéré que les islamistes étaient les premiers concernés par les actes de torture.

Le ministre a par la suite répondu aux interventions des élus, en répondant que cette problématique aurait pu être résolue si la loi sur la Justice Transitionnelle avait été votée, et que la responsabilité de ce retard, n’est pas à imputer aux élus qui s’étaient retirés seulement, mais aussi aux élus qui étaient restés à l’ANC. Il a par la suite évoqué l’existence d’une cinquante de procès pour torture dans les tribunaux de 1ère instance du Grand Tunis seulement.

Le ministre a aussi fait référence au cas des deux salafistes morts en prison suite à leur grève de la faim, et a expliqué que les deux salafistes avaient considéré que faire une grève réaliserait leur revendication, il a évoqué le fait qu’une personne qui leur rendait souvent visite, avait une Fatwa d'un prédicateur salafiste permettant la levée de la grève, mais qu'elle ne les leur a pas délivrée. Le ministre a aussi évoqué la déclaration de Malte, et a expliqué qu’elle était problématique, car elle ne permet pas  la levée forcée de la grève de la faim.

La parole a été redonnée aux élus afin de poser leurs questions au ministre. Bechir Nefzi a expliqué que la torture était une question de mentalité et non une question d'institution.

Sana Mersni quant à elle est revenue sur l'affaire de la prison de Bulla Reggia, et a déclaré que le rapport du ministère n'est pas correct, qu’une personne avait été auditionnée dans cette affaire, alors qu’elle n’était pas en prison lors des faits.

Le ministre s’est enfin exprimé sur la nécessité d’examiner le projet de loi sur la justice transitionnelle indépendamment de la situation actuelle en Tunisie, et a déclaré qu’une fois votée, elle changerait aussi le climat social en Tunisie.

La réunion de la commission a été levée par la suite.