Audition relative au projet de loi N°07/2013 portant organisation de l'activité des institutions de micro-finance
Mardi 28 Mai 2013, la commission des finances, de la planification et du développement s’est réunie vers 10h15 pour auditionner le ministre de l’emploi, le secrétaire d’Etat auprès du ministre des finances, le PDG de la Banque Tunisienne de Solidarité et des représentants d’associations de développement. Cette audition est relative au projet de loi N°07/2013 portant organisation de l'activité des institutions de micro-finance.
Pour commencer, la parole a été donnée au secrétaire d’Etat auprès du ministre des finances qui a évoqué des défaillances du secteur des microcrédits. Il a par ailleurs parlé des mesures qu’il faut prendre pour réformer ce secteur.
A son tour, le PDG de la Banque Tunisienne de Solidarité a mentionné qu’en 2013 plusieurs comités directeurs d’associations de développement ont été renouvelés. Il a aussi déclaré que les fonds existent et que la BTS cherche à préserver l’argent public et les emplois existants, tout en expliquant que le cadre juridique est nécessaire afin de pouvoir financer ces associations.
Ensuite, le président d’une association de développement a expliqué que plusieurs associations de son domaine font face à des difficultés et n’arrivent pas à travailler. Selon lui, le fait de bloquer ces associations a un impact négatif sur l’économie. Il a aussi parlé de la nécessité de restructurer ces associations, qui passeraient de 280 à 30, et de la nécessité de trouver des moyens de financement. Il a finalement fait référence à la difficulté d’octroi des crédits dans certaines régions en raison de la forte demande.
La parole a été par la suite donnée au coordinateur général des associations de développement, M. Hamadi Hammami. Il a parlé des difficultés des associations de microcrédits et des dangers que pose le décret N°117 à la pérennité du travail de ces associations. Il a mentionné aussi le déplafonnement des taux d’intérêt au niveau des microcrédits qui fera en sorte que les associations soient libres de fixer le taux qu'elles veulent, et que de ce fait, elles affaiblissent les plus nécessiteux. Il a ensuite passé la parole à son collègue qui a expliqué que le décret est un complot manigancé entre des cadres du ministère des finances et certains acteurs d'associations de développement, notamment la fédération tunisienne des associations de développement. Selon lui, le but de cette fédération est d'avoir le statut de fédération professionnelle, et que c'est pour ça, qu'elle avalise le décret n°117. Il a terminé en disant que les associations travaillent pendant 14 ans sans texte les régissant, et ne peuvent pas accepter maintenant le décret n°117, qui selon lui, ne vise qu'à affaiblir les associations existantes et les voir disparaitre.
Les élus se sont intervenus par la suite en commençant par l’élue Fattoum Attia (Nahdha) qui a parlé des problématiques des associations de développement. Elle a insisté sur l’encadrement de ces associations afin de permette aux jeunes de lancer des projets, tout en donnant des exemples de la difficulté d’avoir des crédits pour ces jeunes, notamment dans le domaine agricole. Elle a par ailleurs évoqué la nécessité de spécialisation pour ces associations entre agriculture, artisanat et autres, en estimant que les associations doivent encadrer les bénéficiaires des crédits.
Quant à l’élu Hedi Ben Braham (Nahdha), il a parlé de l’association ENDA inter-arabe qui, selon lui, utilise un taux supérieur à 30%, en considérant que c’est un taux d’usure. Il aussi dit que la BTS et le ministère des finances doivent encadrer les jeunes entrepreneurs en considérant qu’une centrale de risque doit être créée et qu’elle doit émaner de la BCT. Il a par ailleurs appelé à centraliser l’information via une base de données pour contrôler l’octroi de crédits. Il a finalement demandé un contrôle financier de l’association ENDA de la par du ministère des finances. A son tour, l’élu Kalthoum Badreddine (Nahdha) a rejoint l’élu Hedi Ben Braham dans ce qu’il a dit et a rajouté qu’il y a une personne qui était dans le comité directeur d’ENDA et qui est maintenant au ministère des finances, et qu’il y a donc un conflit d’intérêts. Selon elle, cette personne est même suspectée d’avoir participé à la rédaction du décret N°117 sur lequel elle émet des réserves.
Tant que ce décret n°117 comporte des problématiques, tant qu'il porte atteinte à la pérennité des associations, c'est que ce n'est surement pas la bonne solution, et il faut en trouver une nouvelle.
Kalthoum Badreddine - Bloc Nahdha
Elle a fini par demander le gel d’utilisation du décret en question en insistant sur le fait qu’il comporte plusieurs problématiques, notamment le déplafonnement du taux d’intérêt, et son article 12 qui parle d’octroi des prêts selon la nature des investisseurs.
Ensuite, le vice-président de la commission des finances, l’élu Moncef Cheikhrouhou (Bloc démocrate) a pris la parole en parlant d’expériences comparées dans le monde en matière d’octroi de crédits et a demandé au développement des outils et des mécanismes de fonctionnement et d’octroi de crédits. Après lui, le premier rapporteur adjoint de la commission, l’élu Moez Belhaj Rhouma (Nahdha) a parlé de la nécessité de supprimer l'obligation d'autofinancement et l'obligation de garantie dans l'octroi de crédits aux plus défavorisés, en appelant aussi à créer des pépinières afin de suivre et développer les microprojets pour leur réussite.
Quant à l’élue Lobna Jribi (Takattol), elle a parlé du coût élevé du suivi des microprojets. En effet, elle a considéré que ce suivi est du ressort des associations, notamment celles de recherche. Elle a parlé des sociétés étrangères concernant le financement en considérant que si les sociétés financent, tout en offrant le savoir faire aux jeunes entrepreneurs, ils seraient les bienvenus parce que le but est de pérenniser ces projets. Elle a finalement émis des réserves quant au déplafonnement du taux d’intérêt mais n’a pas demandé l’abrogation du décret, seulement sa révision.
L’élu Abderrazak Khalouli a rappelé les élus les conditions qui ont vu naître le décret n°117, qu'il considère floues et a aussi dit qu'il faut admettre que les associations étaient désorganisées. Il a parlé aussi de la différence entre les petites associations, et les associations "nationales" qui s'enrichissaient aux dépends des bénéficiaires qui contractaient des prêts auprès d'elles. Il a fini par considérer que ce décret qui était conçu pour réglementer le secteur est un échec, vu qu’il comporte des incohérences importantes. Cette position vis-à-vis du décret N°117 a été exprimée par la plupart des élus intervenants et qui ont dans leur majorité appelé au gel du décret ou bien sa révision.
La parole a été redonnée par la suite au secrétaire d’Etat auprès du ministre des finances qui expliqué que le rallongement de la période est pour les associations de développement pour qu'elles soient conformes à ce qui est mentionné au sein du décret, à savoir un capital de 200.000 DT. Il a ensuite passé la parole au directeur général de l’instance de contrôle du micro financement qui a expliqué le fonctionnement de cette instance, en précisant qu’elle vient d'être créée, qu'elle a le premier noyau de fonctionnaires, que son travail effectif commencera en Juin et qu'elle est obligée de se tenir aux textes qui la régissent. Quant au ministre de l’emploi, il a parlé des dangers du décret n°117, notamment son article 45 qui contient selon lui, un certain conflit d'intérêt, car il demande que dans la composition soit présent un expert dans les associations de développement, ce qui veut dire, selon lui, que cet expert ait été membre d'une de ces associations de développement. Il a aussi parlé du taux de recouvrement qui n’est pas forcément un indicateur de création de richesses et insiste sur la nécessité que les associations de développement doivent être principalement tunisiennes. Pour le ministre, le critère d’octroi de financement aux associations de développement devrait être celui de la capacité à créer une richesse. Il a finalement considéré qu’il est nécessaire qu’il y ait une restructuration des associations de développement, en affirmant qu’on ne peut pas ouvrir la porte à des sociétés étrangères avant de faire un point sur la situation des associations tunisiennes, et avant de les restructurer.
Ensuite la parole a été donnée au coordinateur général des associations de développement qui a considéré qu’il est possible d’utiliser la loi N°67-1999 à la place du décret N°117, en déclarant que les associations de développement sont contrôlées par la BTS, pour donner la parole par la suite au PDG de la BTS en question qui a dit qu’il ne peut pas donner des fonds dans cadre légal réglementant ces associations.
La séance a été finalement levée à 13h45.
Vous pouvez consulter le projet de loi N°07/2013 relatif à l’amendement du décret n° 117 du 05 novembre 2011 et relatif à l’organisation de l’activité des sociétés de micro-crédits, en suivant ce lien: http://www.marsad.tn/fr/docs/518b74527ea2c44706559cf5