Commission des finances, de la planification et du développement: Poursuite d'examen des dispositions fiscales du projet de loi de finances complémentaire pour l'année 2014

Mardi 15 juillet 2014

Mardi 15 juillet, la Commission des Finances a poursuivi l’examen du projet de loi de finances complémentaire 2014.

La réunion a débuté par la lecture des articles 59 à 61 relatifs à l’abrogation des dispositions de la loi des finances de 2014  portant sur la création d’impôt foncier et sur la fiscalité des moyens de transport.

Mounir Ben Hnia s’est interrogé sur la raison qui pousse à créer de nouvelles taxes qui touchent les revenus faible et moyens et à supprimer la taxe sur la résidence secondaire. A cela, la représentante du Ministère des Finances a déclaré que la raison de la suppression de cette taxe est qu’elle n’a pas eu l’impact escompté puisque les contribuables n’ont pas déclaré leurs résidences secondaires qui sont généralement dans des zones non érigées en communes ce qui a rendu cette mesure peu effective.

Moez Bel Hadj Rhouma a réagi en disant qu’il était possible de prévoir d’autres mesures pour mettre en œuvre cette taxe au lieu de la supprimer.

Les discussions ont ensuite porté sur les articles 62 et 62 relatifs à la rationalisation des procédures l'exonération de la TVA dont bénéficie le papier destiné à l'impression des journaux, et améliorer la structure de liquidité des institutions de presse et ce par l'annulation des obligations de présentation d'une caution bancaire ou de dépôt du montant de la TVA au niveau des institutions de la presse. A cela, la représentante du ministère des finances a précisé que le contrôle se ferait a posteriori.

L’article 64 porte quant à lui l’autorisation pour l’Etat de se porter garant des dettes de Tunisair envers l’Office de l’Aviation Civile et des Aéroports à hauteur de 165 millions de DT. En contrepartie, l’OACA renonce à ses créances contre Tunisair, en vertu des indemnités de retard impayés, à hauteur de 23 millions de DT.  Cette disposition est justifiée par le fait que Tunisair est actuellement  en cessation de paiement et que par conséquent, elle ne peut pas contracter d’emprunts auprès des établissements bancaires.

Selon la représentante du Ministère des Finances, cette mesure n’aura pas d’impact financier sur la Loi de Finances 2014, car il y a eu préalablement affectation de ressources à cette dépense. Autrement dit, il s’agit d’un jeu d’écriture à réaliser.

Pour autant, Mounir Ben Hnia a demandé à obtenir les rapports relatifs aux projets de restructuration de Tunisiair. Hedi Ben Brahem a enchainé en déclarant que le déficit de Tunisiair n’est pas seulement de 165 millions de DT envers l’Office de l’Aviation Civile et des Aéroports puisque, son déficit global à l’égard de tous ses créanciers s’élève à 420 millions de DT. Il a considéré que bien évidemment cette compagnie devait être sauvé mais que pour autant, cette mesure manquait de vision proactive. Jalel Bouzid a pour sa part déclaré que le dossier Tunisair soulevait un problème épineux : d’une part parce qu’il est lié au déficit de la  CNRPS (qui s’élève à 400 millions de DT) et au déficit des établissements publics de transport (qui s’élève à 1400 millions de dinars).  Ainsi, il a été demandé d’organiser des audiences supplémentaires pour étudier ces 3 dossiers. Mabrouka M’barek a observé une remarque générale sur la méthodologie : Il existe selon elle, une véritable crise de confiance entre l’Assemblée et l’Administration en ce qui concerne les établissements publics. C’est pourquoi elle a estimé que l’Assemblée ne  pouvait approuver une telle mesure sans connaissance approfondie de ces dossiers. Hichem Hosni  a pour sa part marqué son étonnement vis-à-vis des élus qui ont réclamé les rapports de restructuration étant donné qu’un délai nécessaire de 2 ans est requis. Il a estimé que certains élus étaient mal intentionnés et qu’ils ne voulaient pas sauver Tunisair et ce, dans le but de « la vendre au Qatar ». Fayçal Jadlaoui a déclaré qu’avant de parler de privatisation, il fallait s’interroger sur les causes du déficit de Tunisie. En réponse à ces remarques, la représentante de Tunisie a déclaré qu’on ne pouvait pas parler de restructuration s’il n’a pas une véritable volonté de sauver la compagnie.

Les discussions ont par la suite porté sur les articles 65 et 66 relatifs à la restructuration du capital de la régie nationale du tabac et des allumettes (RNTA) et ce, afin d’améliorer les recettes du secteur au profit du budget de l'Etat.

Habib Bribech a marqué son indignation sur le fait que l’Etat investisse dans un domaine qui nuit à la santé des citoyens. Fayçal Jaddlaoui bien qu’en principe opposé aux privatisations a estimé que la régie devait être cédée. Ferjani Doghmani a qualifié » cette mesure de « cavalier budgétaire ». Moez Belhadj Rhouma a quant à lui demandé un audit approfondie de la RNTA, avant de prendre toute décision. La représentante du Ministère des Finances a rétorqué qu’il était inenvisageable de céder la RNTA pour la simple raison que son chiffre d’affaire s’élève à 1200 millions de dinars De le tabac est une source fiscale importante pour l'Etat et la RNTA emploi plus de 1700 salariés. Elle a également affirmé que cette mesure s’insérait dans le cadre de l’amélioration de la situation des établissements publics. Exaspéré, Hedi Ben Brahem a déclaré que l’Assemblée n’était pas une « boite à lettre » et qu’il était nécessaire que l’Administration fournisse toutes les informations nécessaires pour qu’ils puissent se prononcer.

Dans la continuité des remarques précédentes, il a par la suite été question de l’article 67 relatif à la fixation du capital de la manufacture des tabacs de Kairouan.

Les articles 68 et 69 ont porté sur la question de la prise en charge par l'Etat des dettes sociales des agences de voyages situées à Tozeur et à Kebili au titre de la période allant du premier trimestre de l'année 1999 jusqu'au quatrième trimestre de l'année 2008. L’article prévoit qu’une commission devra être créée afin de vérifier et contrôler les demandes de prise en charge de tous les frais qui en résultent et qui  seront supporté par le ministère concerné dans la limite de 1.2 MD.

Après quelques éclaircissements de la part des représentants du Ministère des Finances, les élus se sont exprimés. Jalel Bouzid a ainsi demandé pourquoi ce sont les agences de voyages qui sont ciblés par cette mesure et non pas les hôtels. Khalil Chtourou, représentant du Ministère des Finances, a expliqué que la situation des agences de voyage est plus critique que celle des hôtels car les derniers bénéficient d’une exonération de charges patronales de 5 ans. Mounir Ben Hnia s’est montré favorable vis-à-vis de cette mesure mais à demandé d’avantage d’informations notamment sur le nombre d’agences de voyage qui en profiterons ainsi que leur propriétaires. Lobna Jeribi a pour sa part indiqué que cette mesure vise à payer la dette de ces agences de voyages à l’égard de la CNSS parce qu’elles n’ont pas payé leurs charges patronales et que cela constituait un très mauvais message à faire passer. En réponse à ces remarques et interrogations, le représentant du Ministère des Finances a fait savoir que cette mesure concerne 18 agences de voyages dont 3 en cessation totale d’activité. Il a ainsi expliqué que ces agences ont mal interprété la loi en pensant qu’elles s’inséraient dans le cadre du tourisme saharien et que par conséquent, elles étaient exonérées de charges 

« Je vous explique ce qui s’est réellement passé pour les agences de voyage en question. Il y a eu une mauvaise interprétation de la loi : ces agences croyaient qu’elles s’inséraient dans le cadre du tourisme saharien et bénéficiait donc de l’exonération sur 5 ans, et la CNSS est allé dans ce sens. Il s’est avéré par la suite que ces agences devaient payés leurs charges patronales ».

Il a également précisé que cette mesure concernait 300 employés. Ferjani Doghmane a pour sa part indiqué qu’il ne pouvait pas approuver cette mesure.

Les discussions ont ensuite porté sur l’article 70 abrogeant les articles 69 et 70 de la loi n°2013-54 du 30 décembre 2013 portant loi de finances pour l’année 2014 sur certains les pièces de rechange et les moteurs usagés. Le représentant du Ministère des Finances a indiqué que cette mesure n’a pas été efficace puisqu’elle a encouragé le commerce parallèle.

Certains élus ont dénoncé le chantage opéré par les chefs d’entreprises qui exigent la diminution de cette taxe (de 3DT à 1DT), sans quoi, ils recourraient aux produits vendus sur le «marché noir».

Lobna Jeribi a pour sa part déclaré que ce genre d’attitude qui vise à retirer moins de 5 mois après sa mise en vigueur, une telle disposition était très négatif pour l’Etat et pour son image, notamment en matière de politique fiscale. 

Les discussions se sont ensuite concentrées autour de l’article 71 relatif à l’adoption d'un système de contrôle des dépenses publics concernant les ministères qui utilisent des budgets fixés par l'article 11 de la Loi Organique du Budget avec l'exonération des dépenses ne dépassant pas un plafond préalablement fixé pour chaque ministère.

Faouzia Said, Directrice Générale du Comité du Budget de l’Etat a commencé par présenter la gestion budgétaire par objectif (GBO) en indiquant les ministères qui l’ont adopté (il y a eu une première vague de 4 ministères, puis une deuxième vague de 5 ministères et enfin une troisième vague prévue pour l’année prochaine). L’un des objectifs de la GBO est d’alléger le contrôle préalable sur les dépenses du ministère en fournissant plus de souplesse aux gestionnaires, en contrepartie le contrôle des dépenses  a posteriori est renforcé. C’est ce que cette disposition de la LFC tente d’apporter. Jalel Bouzid, étant professeur universitaire, est intervenu pour donner son point de vue sur l’intégration de la GBO au niveau du Ministère de l’Enseignement supérieur et a notamment indiqué que le manque de culture et de stratégie a entrainé plus d’effets négatifs que positifs. D’autres élus tels que Lobna Jeribi ont exprimé leur perplexité entre les motifs et le dispositif employé.

La Commission des Finances a ensuite porté son attention sur l’article 72 qui indique que les opérations de mécénat au profit des entreprises, institutions et actions à caractère culturel sont désormais déductible de l’assiette de l’impôt des sociétés mais  à condition que ce opérations elles soient approuvées par le ministère de la culture. Aucune remarque n’a été soulevée à ce sujet.  

S’agissant à présent de la l’article 73 relatif à la capitalisation des banques publiques, l’article prévoit que ce type d’opération se fait «par décret du président du gouvernement sur proposition du ministre des finances» et non par loi. Ferjani Doghmane a exprimé son désaccord sur cet article puisque cela permet au gouvernement de contourner le contrôle parlementaire. 

Les discussions se sont ensuite porté sur l’article 74 relatif à la création d’un fonds de soutient aux petites et moyennes entreprises (d’un montant de 100 millions de DT).

En effet, selon la représentante du Ministère des Finances, plusieurs demandes de soutient leur sont parvenues. Etant donné que les PME représentent en Tunisie plus de 80% du tissu économique du pays, il est apparu fondamental de leur répondre. Le fonds apportera son soutient d’abord à 200 entreprises.

Lobna Jeribi a rappelé qu’il y a toujours des réticences à créer de nouveaux fonds spéciaux du trésor c’est pourquoi il faudra des garanties et surtout plus d’informations notamment sur le choix des entreprises qui feront l’objet du soutient par exemple. A cela, la représentante du Ministère des Finances a répondu qu’il s’agissait là d’un projet pilote qui, pour qu’il soit reconduit, devra faire ses preuves. Quant aux entreprises ciblées, il s’agira de celles qui, certes, sont en difficultés mais qui ont des chances de redressement. Elle a par ailleurs précisé que ce fonds serait rattaché au Ministère de l’Industrie. 

Pour finir, les discussions ont porté sur l’article 79. Celui-ci prévoit exceptionnellement, de réglementer par décret les promotions qui ont déjà eu lieu, des agents des forces de sécurité intérieure et de la douane. Hbib Bribech a marqué son mécontentement du fait que les décisions ont été prises avant le contrôle parlementaire.  Bien que fondamentalement non opposé à une telle décision, il estime toutefois qu’il y a un vice de procédure et demande une audience à la personne responsable de cela.