Commission des finances, de la planification et du développement: Audition du ministre de l'économie et des finances concernant le projet de loi de finances complémentaire pour l'année 2014
Mercredi 09 Juillet 2014, la Commission des finances, de la planification et du développement s’est réunie avec pour ordre du jour l’audition de Hakim Ben Hammouda, Ministre de l’économie et des finances ainsi que des représentants du ministère.
La commission a débuté ses travaux avec l’intervention du Président qui a accueillit le Ministre de l’économie et des finances et sa délégation et qui a rappeler que le projet de loi de finances complémentaire à été élaboré suite au débat économique dans un cadre parfaitement consensuel et a été adopté par un gouvernement de technocrates.
Pour commencer Ferjani Doghmane a demandé des éclaircissements sur les prévisions de croissance (le rapport ne contient pas les même prévisions que celles contenues dans loi de finance initiale 2014), la question de l’audit des banques ainsi que celle de la compensation. Il a également rappelé un certain nombre de points soulevés par les élus lors des séances préliminaires de lundi et mardi.
La parole a ensuite été donnée à Moncef Cheikhrouhou qui a rappelé que le magazine britannique The Economist, a classé la Tunisie comme étant le seul pays démocratique de la région ce qui d’après lui, aura un impact certain sur la situation économique et sociale du pays.
La parole est ensuite revenue à Hakim Ben Hammouda, qui a remercié la Commission des finances pour son invitation et qui a insisté sur l’importance du débat portant sur le projet de loi de finances complémentaire. Il a par la suite proposé de diviser le débat en trois étapes : d’abord, la vision générale, ensuite les orientations prises et enfin, les dispositions.
Selon Hakim Ben Hammouda, le projet de loi de finances complémentaire est basée sur une étude objective de la situation économique, et il a insisté sur le fait qu’ils ont « toujours cherché à s’éloigner du côté politique ». Intitulé, « Sur la voie de la reprise économique », le débat qui portera sur projet de loi de finances complémentaire est d’après lui, une question d’ordre nationale.
Il est ensuite annoncé les quatre points qui feront l’objet de son audience : le cadre général, la méthodologie adoptée, les problématiques abordées et les priorités envisagées.
- Le cadre général:
Le projet de loi de finances complémentaire annonce dès le départ que la situation des finances publiques s’est considérablement détériorée : Hakim Ben Hammouda insiste sur le fait qu’il s’agisse d’un constat et non d’un jugement envers les gouvernements antérieurs.
Plusieurs indicateurs internes en témoignent : les prévisions de croissance pour l’année 2014 dépasseront pas les 2,8% (contre 4% annoncés dans loi de finance initiale), les intentions d’investissement ont diminué de 29% pour le mois de Mai, le taux de croissance de l’investissement a connu une légère hausse de 1,5%, l’investissement étranger a enregistré une diminution 14,9 %, les prévisions relatives aux nombres de tourisme est en baisse (7 millions prévus en début d’année, contre 6,4 millions actuellement). Il est a noté qu’un seul point de croissance entraine 300 millions de dinars de ressources supplémentaires pour l’Etat. A titre d’exemple, si d’ici 2016, nous réalisons un taux de croissance de 7%, cela engendrerait des ressources supplémentaires de 1,2 milliards de dinars.
Mais la situation internationale n’est pas sans entrainer des répercussions sur l’économie nationale. Tout d’abord, la situation économique morose en Europe qui présume une possible « déflation » (soit, une baisse générale du niveau des prix, de la production et de l’emploi, à distinguer de la désinflation, qui est un ralentissement de l’inflation) ensuite l’augmentation inattendue du cours du pétrole à 115 Dollars (et qui pourrait grimper jusqu’à 120 Dollars), alors que les prévisions limitait son niveau à 110 Dollars (à cause des évènements en Irak).
- La méthodologie:
Afin d’élaborer le projet de loi de finances complémentaire, le Ministre des finances a annoncé qu’il y a eu près de 30 réunions avec le dialogue économique national et plus de 120 heures de travail et que le travail avec ce dernier a été d’ « une importance majeure pour instaurer un esprit consensuel ».
L’élaboration du projet de loi de finances complémentaire a été faite sur la base du défi actuel qui est « la stabilisation des finances publiques »
- Problématique:
La problématique générale a été la suivante : comment mettre un terme à la détérioration de la situation des finances publiques sans adopter une politique d’austérité ? C’est à ce titre que Hakim Ben Hammouda a insisté sur le rejet de l’austérité en affirmant que « sur le plan politique, l'austérité génère le désespoir et mène à des régime fascistes »
- Les priorités :
L’incitation au devoir fiscal et la lutte contre la contrebande et le commerce parallèle ont été les deux principales priorités posées par le gouvernement pour parvenir à stabiliser la situation des finances publiques.
Selon le Ministre des Finances et de l’Economie, il y aurait deux solutions pour augmenter les recettes fiscales et donc augmenter les ressources propres: soit augmenter la pression fiscale sur le contribuable soit élargir l’assiette de l’impôt. Le gouvernement a en l’occurrence opté pour la 2ème solution (élargissement de l’assiette de l’impôt) en essayant d’intégrer les personnes qui agissent en dehors du circuit économique régulé.
L’augmentation des ressources propres de l’Etat et la stabilisation des finances publiques passe également par la rationalisation des dépenses de l’Etat, la révision de la compensation (mais qui n’atteindra pas les produits de base), accélérer la réforme fiscale et bancaire etc.
Pour atténuer cela, il est prévu de favoriser le cadre social à travers la création d’un fonds spécial du Trésor pour les petites entreprises ( 20 000 DT pour chaque entrepreneur) et l’augmentation du salaire minimum entre autres.
L’idée est de faire face à la crise économique sans atteindre les catégories sociales défavorisées.
Suite à cette intervention, les députés ont tour à tour pris la parole.
Tout d’abord, Lobna Jeribi a confirmé que ce rapport était bien neutre et qu’elle ne le considérait pas comme étant une condamnation des gouvernements antérieurs. Par ailleurs, elle a demandé qu’il soit fait un audit de la capitalisation des banques publiques (injection de 500 millions de DT provenant de fonds publics). Elle a également posé la question de savoir qui finance les dettes structurées (256 millions de DT) de la CNRPS, la qualifiant de « caisse noire » et pourquoi on continue de faire cela. Elle a par la suite demandé que le processus de confiscation des biens soit accéléré et la publication du rapport d’audit de la commission qui en est en charge. Elle a toutefois soulevé une objection quant à la rationalisation des dépenses qui risqueraient d’affecter les projets de développement. Elle a par la suite demandé au Ministre, pourquoi l’idée de la taxe sur la résidence secondaire a été supprimé. Concernant l’emprunt national, elle a souhaité connaître le pourcentage des personnes physiques qui y ont souscrit. S’agissant du soutien au petites et moyennes entreprises, Lobna Jeribi a rappelé que la BERD (Banque Européenne de Reconstruction et de Développement) à octroyé au Maroc, à la Jordanie, à l’Egype et à la Tunisie, 500 millions de DT pour chaque pays, alors même qu’il n’y aucune véritable stratégie dans ce domaine. Pour finir, l’élue a déplorer le fait que le PLFC ne contienne pas de volet « décentralisation » et « équilibre entre les régions », ce qui est par conséquent très décevant.
La parole a ensuite été donnée à Hichem Hosni qui a posé la question suivante : pourquoi les dispositions fiscales visent toujours les catégories sociales moyennes et défavorisées et non pas les hommes d’affaires ? Il a poursuivi en évoquant l’idée d’un impôt sur la fortune ou encore une taxe sur l’immobilier de luxe.
Hédi Ben Brahem a déclaré que la loi de finance initiale prévoyait 300 millions de DT de produit de la confiscation et a voulu savoir sur quoi le gouvernement s’était basé pour affirmer cela.
Hédi Chaouch a de nouveau évoqué la question de l'emprunt national en indiquant que dans les expériences précédentes, cela a été mis en place en vertu d’une loi de finances et non en vertu d’un décret comme cela a été le cas cette année. Concernant la question du timbre aux non-résidents (30 DT), il a estimé qu’il était plus opportun de prévoir une redevance hôtelière, comme cela se fait dans les plus grandes démocraties. Il a par ailleurs demandé s’il était possible d’intégrer les articles relatifs au système bancaire dans une loi indépendante du projet de loi de finances complémentaire. Il a poursuivi en indiquant que ce projet de loi, en contenant 81 articles, s’apparentait d’avantage à une loi de finances initiale que complémentaire. Enfin, il a rappelé que le Ministre de l’Economie des Finances s’était engagé à fournir l’audit des banques publique fin janvier 2014, ce qui toujours pas été fait.
Fayçal Jadlaoui a pris la parole pour dire qu’ « il n’y a aucune cohérence entre les procédures fiscales et tout ce qui a été exposé par le Ministre".
Abderrazak Khallouli a confirmé les propos selon lesquels « ce projet de loi [aurait] des allures de projet de loi de finances initiale et non pas complémentaire" avant d’ajouter qu’il s’agissait d’ «un aveu d'échec de la part du ministère des finances de nous proposer ce projet aussi tard ».
Kamel Ben Romdhane a quant à lui déclaré : "En lisant ce projet, on trouve plusieurs slogans et principes mais concrètement les mesures sont très limitées". Il a par ailleurs signalé que certaines dispositions laissaient transparaitre « une politique de long terme qui ne relève pas des prérogatives de ce gouvernement ».
Karim Bouebdelli a pour sa part considéré que « les mesures contenues dans ce projet de loi sont limitées et il n'y a aucune innovation » insistant sur le fait qu’il n’y avait aucune disposition consacrant la justice sociale, évoquant même un« hold-up sur le citoyen ». Selon lui, « ce projet de loi de finances complémentaire prévoit des mesures pour payer les salaires, non pas pour réaliser une croissance ».
Mabrouka M’barek a indiqué que c’est la première fois qu’un ministre des finances affirme que l'agriculture est un secteur des plus important mais elle s’interroge alors sur la diminution du budget du ministère de l'agriculture.
Suite à toutes ces remarques et questions, la réponse du gouvernement a été la suivante.
Le Ministre a rappelé que la grande problématique est comment mettre un terme à la détérioration de la situation des finances publiques sans adopter une politique d’austérité. Il a également réitéré le fait que la seule solution est l’élargissement de l’assiette de l’impôt.
Ensuite, s’agissant de l’emprunt national. Hakim Ben Hammouda a indiqué que e qui s’est passé en 1991 (comme l’a évoqué un député) est une contribution et non pas un emprunt national. Il a rappelé que l’emprunt national était une opportunité pour les citoyens de soutenir l’Etat, et cela a été fait puisque plus 27 000 personnes physiques ont souscrit à l’emprunt national et que près de 5000 citoyens ont contribué à hauteur de 10 dinars. Les personnes morales sont quant à elles très variés : des entreprises commerciales, des banques, des sociétés d’assurances et des intermédiaires en bourses (compte rendu disponible sur le Portail du Ministère des finances).
S’agissant à présent de la réforme fiscale, le Ministre a rappelé que les travaux sur la question on débuté en 2013 et des consultations régionales ainsi que des des études d’impact sont menées en parallèle.
Ensuite concernant l’audit des banques, Hakim Ben Hammouda a répondu que l’information bancaire est une question sensible mais que le gouvernement n s’engage à la fournir aux élus si toutefois ils ne la diffusent pas.
Pour ce qui est de la question de la la rémunération publique, un consensus a été trouvé avec l’UGTT afin d’aboutir à une augmentation du SMIG et du SMAG et de rendre effectif les 33 conventions relative à la rémunération publiqu. Il a par ailleurs rappelé que cette augmentation des salaires coutera à l’Etat près d’un milliards de Dinars.
S’agissant de la question des investissement ceux-ci ont connu une nette diminution entre 2011 – 2014 même si entre 2013 et 2014, la situation de s’est légèrement amélioré. Le Ministre a rappelé les facteurs de diminution des investissements sont les sit-in, les grèves, le terrorisme etc. Ces facteurs ont également eu pour conséquence la diminution de la productivité surtout au niveau de la qualité des produits. Quant aux Code des investissements, sa formation actuelle est d’après le Ministre d’avantage en faveur des investisseurs locaux que des investisseurs étrangers.
Hakim Ben Hammouda a par la suite évoqué les projets publics qui s’élèvent au nombre de 12500 (projets nationaux, régionaux et spécifiques), dont 200 sont des projets structurels, 60% des projets en cours de réalisation ou déjà réalisé, 30% des projets en phase d’étude et 10% des projets rencontrent actuellement des difficultés.