Rencontre avec des représentants de la Banque Mondiale

Jeudi 12 septembre 2013

Une audition de représentants de la Banque Mondiale s’est déroulée, le jeudi 12 Septembre 2013, au sein de la commission législative des finances, de la planification et du développement. L’expert en question est M. Shantayanan Devarajan, le nouvel économiste en chef de la Banque mondiale chargé de la zone MENA.

Le débat s’est axé sur les réformes structurelles importantes à entreprendre et le rôle du consensus politique pour sortir le pays de la situation de crise, et par ailleurs réformer le système de subventions à titre d’exemple.

L’expert a expliqué dans son intervention que les élus sont les décideurs pour sortir de cette crise et que la Banque Mondiale qu’il représente n’est la que pour conseiller.

Les élus ont pris la parole pour poser la question et c’est Fattouma Attia la première à intervenir avec un premier point relatif aux PME. Elle a demandé à l’expert ses solutions contre l’importation illicite via la Libye et l’Algérie, avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’une délégation de la Banque Mondiale, non pas du FMI, comme elle croyait.

Au tour de Hedi Ben Brahem, il a considéré que l’investissement et la caisse de compensation sont les deux plus gros problèmes de l’économie tunisienne. Il a déclaré que la caisse de compensation est entrain de consommer le même montant qui est mis dans l’investissement en précisant que, pour un gouvernement de transition, il est dur de s’attaquer à la caisse de compensation et que ça serait peut être la mission du prochain gouvernement. Il a, par ailleurs, affirmé que notre économie, dans son contexte régional et mondial, a réalisé quelques pas positifs.

Quant à Ferjani Doghmane, il a posé la question, à savoir si la croissance a servi la population, en affirmant que le problème n’est pas juste d’ordre économique mais aussi politique.

Pour Tarek Labidi, il a demandé quelles sont les exigences de la Banque Mondiale et a considéré que la réforme de la subvention de l'énergie doit être faite après les élections.

Ensuite, Mounir Ben Hnia a considéré la Banque Mondiale responsable du plan d’ajustement structurel de la fin des années 80 auquel elle avait participé. Il a réfuté l’affirmation de l’expert selon laquelle le budget des subventions est égal à la moitié du déficit budgétaire en pointant du doigt une confusion entre le pourcentage du PIB et du budget. Selon cet élu, la réforme de la caisse de compensation ne peut pas se faire maintenant.

En redonnant la parole à S.Devarajan, il a déclaré que pour plusieurs pays les résultats des PAS n'étaient pas bons parce que les gouvernements n'ont pas appliqué les réformes proposés par la Banque Mondiale, mais suivaient des PAS dessinés et imposés à partir de Washington. Pour l’expert, les PAS doivent être en phase avec la population et ses besoins.

Selon lui, l'État tunisien a continué a règlementé l'industrie car la libéralisation n'était pas suffisante et que les secteurs où les entreprises Ben Ali ont évolué sont ceux qui ont été réglementés. Il y a eu, comme il l’a exprimé, une capture de l’économie industrielle. Il a aussi évoqué une tentative de garantir un équilibre entre les régions à travers la subvention de l’agriculture mais ça n’a pas marché.

S.Devarajan a enchainé en déclarant que la Banque Mondiale ne doit pas avoir un plan d’action pour la Tunisie et que tout ce qu’elle peut faire c’est proposer des analyses.

C’est Tarek Bouaziz qui a repris la parole ensuite pour dire qu’il y a un constat selon lequel la Banque Mondiale se concentre  dans les discussions sur les subventions et les caisses de compensation.

Quant à Mabrouka Mbarek, elle a précisé au début que les élus sont sujets à des pressions énormes des institutions financières internationales et des lobbys, alors que leur mandat n’est pas destiné à faire passer des réformes structurelles. Mabrouka Mbarek a d’ailleurs posé une question au représentant de la Banque Mondiale : Qu’est ce que vous faites là ?

Elle a aussi déclaré que le peuple tunisien n’a pas voté le 23 Octobre pour faire partie de l’Europe, en référence à la question du statut de partenaire privilégié auprès de l’UE.

Elle a évoqué les ressemblances de plans de réforme des institutions financières internationales : « Ma collègue Fattouma vous a confondu avec le FMI et elle a raison. Vous avez tous le même discours. Ca fait des décennies que vous prescrivez les mêmes plans, aucune innovation. »

Concernant l’investissement étranger, Mabrouka Mbarek a affirmé que ça coute cher à la Tunisie sans qu’il y ait même un échange de technologie, en critiquant cette précipitation vers l’investisseur peu importe qui il est tandis qu’on ne veut pas n’importe quel investisseur. Elle a par ailleurs défendu l’idée de devoir filtrer les IDE.

En évoquant le partenariat de Deauville, Mabrouka Mbarek a dit qu’il n’y avait ni Ennahdha, ni CPR, ni Takattol. Il n’y avait que l’ex premier ministre Beji Caied Essebsi. Elle a posé un nombre de questions rhétoriques pour montrer que ni les PPP ni le code d’investissement ne viennent de Tunis mais bien de Deauville :

« Vous avez proposé un plan Marshall que vous avez appelé le plan Jasmin croyant que c’est comme ça que la Tunisie s’y reconnaitra et que ça sera facilement adopté. Vous êtes maintenant frustrés parce que vos plans sont bloqués en ce moment. »

L’expert a repris par la suite la parole pour répondre à Mabrouka Mbarek que pour la Banque Mondiale, les PPP n’ont jamais été évoqués et que c’est l’Union Européenne ça. Il a aussi ajouté qu’il faudrait oublier Deauville et que ce n’est pas la Banque Mondiale qui met les réformes sur la table.

Au tour de Lobna Jeribi, elle a déclaré qu’il est impossible de réaliser des réformes sans consensus et sans union nationale. Pour elle, le concept des PPP est intéressant mais le problème c’est la gouvernance, la transparence, etc..

L’audition aurait durée 2h de temps et a été levée à 17h30. Les élus présents sont les suivants :

Ferjani Doghmane, Lobna Jeribi, Hbib Bribech, Noura Ben Hassen, Mabrouka Mbarek, Nabiha Torjmane, Mounir Ben Hnia, Fattouma Attia, Abderrazak Khallouli, Tarek Bouaziz, Moncef Cherni, Tarek Labidi et Hedi Ben Brahem.