Séance plénière extraordinaire suite au meurtre de Chokri Belaid: Situation politique du pays
La séance plénière extraordinaire prévue à 9h pour débattre concernant la situation politique du pays n’a commencé qu’à 11h15 sous la présidence de Mustapha Ben Jaafer.
Il a annoncé tout d’abord que les deux députés Saad Bouaich et Chokri Arfaoui ont rejoint le bloc parlementaire Liberté et Dignité avant de souhaiter au leader du mouvement Al Massar, Ahmed Brahim, un prompt rétablissement suite à un malaise qu’il a eu hier.
Après l’enregistrement des présences (155 députés), la présidence a donné la parole aux députés qui ont souhaité émettre des points d’ordre :
- Salah Chouaieb (Aucun groupe) a souhaité que le président et le chef du gouvernement soient présents à cette plénière.
- Hichem Hosni (Aucun groupe) a demandé l’ordre du jour de la séance.
- Abdelaziz Kotti (Aucun groupe) s’est indigné contre le retard pris pour commencer le débat.
- Brahim Gassas (Aucun groupe) a dit qu’il faudrait laisser cette séance ouverte jusqu’à trouver une solution à la crise du pays en insistant sur le fait que la Tunisie est au dessus de tous les partis politiques.
- Mongi Rahoui (Bloc Démocrate) a dit que, suite à l’assassinat de Chokri Belaid, l’ANC a perdu énormément de sa légitimité et a demander d’intégrer à l’ordre du jour la question du remaniement ministériel.
La présidence a annoncé ensuite le début des interventions en donnant la liste des 10 premiers intervenants :
- Romdhane Doghmani (Indépendants Libres) a critiqué l’appel à un conseil des sages et a parlé de contre révolution.
- Ali Bechrifa (Bloc Démocrate) : La mission de l’ANC est seulement constituante et c’est au gouvernement de trouver des solutions aux problèmes du pays. L’initiative de Hamadi Jebali de former un gouvernement de technocrates est la meilleure façon pour s’éloigner des différends politiques. Il a dit : « N’essayez pas de nous faire taire avec la loi de l’OPPP. La situation dépasse cette logique ».
- Hasni Badri (Indépendants Libres) : « Les noms se multiplient concernant la formation du prochain gouvernement mais il n’y a toujours pas de solution concrète pour sortir de la crise ». Il a fait un rappel du rôle du gouvernement et a dit que l’ANC doit être l’institution mère.
- Brahim Gassas (Aucun groupe) a parlé de la nécessité d’union et prendre du recul vis-à-vis des posts à la tête de l’Etat en ajoutant « arrêtez les surenchères politiques alors que le pays fonce vers le mur. Le sang de Chokri Belaid devait nous unir ».
Mohamed Allouch (Aucun groupe) a parlé des initiatives de dialogue national qui viennent des organisations militantes comme l’UGTT en disant « technocrates ou pas, le gouvernement attendu doit avoir un plan précis et travailler d’une manière effective ». Il a insisté sur l’impérativité d’assurer la sécurité, la liberté des médias, une justice indépendante et l’emploi. Il faut rendre des comptes.
- Salah Chouaieb (Aucun groupe) a dit qu’avant on demandait la séparation de l’exécutif du parti unique et que maintenant on se retrouve à demander la séparation de l’Etat de 3 partis. Pour lui, il faut un calendrier précis pour cette phase, arriver à des élections et réaliser notre mission. Il a critiqué finalement le rendement du ministère de l’intérieur, de la justice et des affaires étrangères.
- Habib Harguem (Takattol) a parlé de la nécessité du consensus qui ne doit se passer que sous l’aile de l’ANC qui est la seule entité légitime et a encouragé à s’éloigner des sensibilités politiques.
- Taher Hmila (Aucun groupe) a dit que ceux qui sont là suite à la révolution ont oublié qu’ils sont là pour construire non pas gouverner. En s’adressant à Jebali, il a affirmé : « Vous dites que vous procédez selon votre bonne conscience mais vous oubliez que la décision revient au peuple. Il faut passer par l’ANC qui doit être le seul espace où les décisions se prennent, il faut notre aval. ».
- Hichem Hosni (Aucun groupe) : Cette plénière doit déboucher sur des décisions concrètes contre toute cette violence et demander des comptes au ministère public. Il nous faut un dialogue national pour arriver à l’établissement d’un gouvernement de crise, l’initiative de l’UGTT serait un bon cadre pour régler la divergence des avis concernant la constitution.
- Hasna Mersit (Wafa) a parlé du climat politique et la détérioration de la situation après Chokri Belaid en disant que la classe politique doit penser à l’intérêt du pays et soutenir l’initiative de Hamadi Jebali. Elle considère que si on n’arrive pas à un consensus concernant ce gouvernement, qu’on reste alors sans gouvernement comme la Belgique.
- Hattab Barakati (Aucun groupe) a dit que l’assassinat de Chokri Belaid n’est que le premier d’une série si on ne trouve pas de solution à cette crise sécuritaire et cette violence. Pour lui, la proposition de Jebali a été faite avant par l’opposition mais lorsque c’est l’opposition qui propose on ne l’écoute pas.
- Mounira Omri (Nahdha) a condamné les fausses images diffusées dans les télés et a dit que le tunisien croit toujours en la légitimité en confirmant que ce n’est pas le gouvernement qui a échoué mais les tentatives de vouloir le faire échouer qui ont échoué. Elle a par ailleurs demandé de lancer un débat national contre la violence en insistant sur le fit que le citoyen a le droit à l’information corecte.
- Mohamed Taher Tlili (Nahdha) pense que la Troika n’a pas échoué au gouvernement mais ce qui fait plutôt peur c’est l’incitation à l’intervention étrangère, les sit-in et l’instabilité. Il a condamné l’absence de l’opposition et les grèves de faim alors que ces députés sont élus pour représenter le peuple et a critiqué spécialement l’intervention d’un député à la télé qui a dit que la police de Ben Ali était pacifique en comparaison à la situation actuelle.
- Sahbi Atig (Nahdha) pour lequel la vraie légitimité appartient au peuple, ce n’est pas une légitimité du sang : « L’assassinat de Belaid nous a touché, tous sans exceptions. Arrêtons donc les surenchères politiques au sujet de sa perte ». Il dit tenir à la légitimité parce que c’est la volonté du peuple non pas parce que c’est son parti qui est au pouvoir et qu’il n’y a que l’ANC qui est légitime, pas d’experts ni de conseil des sages. Il a enchainé concernant la nécessité de boucler le processus de rédaction de la constitution qui sera la fierté de cette ANC et a critiqué aussi les absences en s’adressant au bloc démocrate en disant que le gel de leurs activités n’était pas une bonne idée en soi. Concernant l’initiative de Jebali, il a avoué que c’était un choc pour leur mouvement. Pour lui, nous avons besoin d’un gouvernement de coalition et que son parti est contre l’idée de ramener des technocrates qui viennent plutôt suite à un coup d’Etat militaire ou une révolution avant d’organiser des élections : « Nous avons eu droit à notre phase de technocrates et il n’y a plus de raison de proposer ça suite aux élections ».
- Badreddine Abdelkefi (Nahdha) pense que la proposition de Hamadi Jebali représente aujourd’hui le salut de la nation chez ceux qui l’attaquaient avant. Ce changement de réactions face au chef du gouvernement fait partie de la contre-révolution. Il a aussi dit que les experts ont oublié la coutume instaurée par la nomination du ministre des finances en passant par l’ANC.
- Mohamed Brahmi (Aucun groupe) a dit que les réactions suite à l’assassinat et la peur excessive au sujet de la légitimité peuvent mener à une guerre civile et que la responsabilité de ce crime et toute celle violence est celle de ceux qui prétendent être les 99%. Il a appelé d’aller vers le dialogue proposé par l’UGTT pour trouver une solution à la situation et au gouverement. Il a finalement demandé une commission au sein de l’ANC pour suivre les investigations du meurtre.
- Habib Khedhr (Nahdha) a rappelé que les élections étaient seulement pour la constituante, qu’elle est donc la seule entité élue et légitime et qu’un remaniement doit passer par l’ANC par respect à la petite constitution, l’OPPP : « Nous voulons reconstruire un Etat en respectant la loi. Si des élus ici ne respectent pas l’OPPP, où allons-nous ? ».
- Chokri Kastalli (Bloc Démocrate) a appelé le mouvement d’Ennahdha à soutenir leur Secrétaire Général dans sa proposition et éviter les confrontations dans la rue. Il prend l’exemple de l’Egypte en disant qu’ils sont loin de la démocratie et vivent une vraie crise sécuritaire.
- Iyed Dahmani (Bloc Démocrate): Ceux qui disent encore que le gouvernement n’a pas échoué sont dépassés par les évènements. Ce n’est pas seulement celui qui a porté une arme contre Belaid qui l’a tué mais ceux qui l’ont fait par leurs mots aussi en incitant à la haine et ceux qui, au sein de cette assemblée, ont dit que le meurtre de Lotfi Nagadh est un acte révolutionnaire. L’Italie est dirigé maintenant par un gouvernement de compétences nationales malgré des élections et c’est donc tout à fait envisageable une solution pareille si on se retrouve devant un gouvernement qui a échoué, un échec avoué par le chef du gouvernement lui-même. Pensez à l’intérêt de ce pays et arrêtez votre entêtement.
L’après-midi, la reprise a été faite en présence d’environ 70 députés et la présidence a poursuivi avec la liste des intervenants :
- Tarek Bouaziz (Indépendants Libres) a critiqué la tenue de cette séance plénière pour étudier la situation politique en l’absence d’autres parties concernés en disant que c’est plutôt une séance pour se soulager le cœur. Il a parlé de légitimité des urnes et la nécessité d’exclusion des ex-RCD, un rassemblement qui selon lui n’avait rien de démocratique. Il a fait l’éloge de Chokri Belaid en disant qu’il y a aujourd’hui ceux qui croient détenir la vérité et ne disaient que du mal du défunt. Il a aussi parlé d’âge limite à instaurer pour participer à la vie politique en prenant l’exemple du pape qui vient de démissionner.
- Noureddine Mrabti (Aucun groupe) a dit soutenir l’initiative de Jebali suite aux échecs de négociations politiques, un soutien qu’il dit « conditionné ». Il a aussi parlé de plan précis de la part du gouvernement pour sortir de cette crise et remettre le pays sur pied.
- Hassan Radhouani (Indépendants Libres) : Honte à vous d’utiliser le meurtre de Chokri Belaid pour des fins politiques. Il est impératif de retourner à l’ANC pour approuver ce gouvernement de technocrates.
- Ameur Laarayedh (Nahdha) a parlé de manipulation et de tentatives d’atteinte à la légitimité de l’ANC qui protège la révolution et ses objectifs. Concernant le gouvernement, il a dit que faire face à la crise ne peut se faire que dans le cadre d’un gouvernement de coalition qui doit réunir les partis qui ont participé ou sont nés de la révolution.
- Nejib Mrad (Nahdha) a parlé de complots, de crime organisé et que celui qui a commis ce meurtre est le bénéficiaire en ce moment. Il a dit que tout est calculé et que ça a commencé avec les mausolées incendiés en pointant du doigt vers les laics/extrême gauche en disant qu’ils soutenaient Ben Ali et qu’ils sont derrière tout ce qui se passe.
- Ikbel Msadaa (CPR) a exprimé son avis vis-à-vis de l’initiative de Jebali en critiquant le fait que ça vienne un peu tard. Pour elle, un gouvernement de technocrates n’est pas une baguette magique et que la solution est politique. Elle a évoqué la campagne Ikbess et l’expérience de Mohamed Abbou au sein du gouvernement pour défendre certaines personnes qui voulaient faire avancer les choses mais qui n’ont pas eu le soutien/les moyens. Elle a critiqué ouvertement Hamadi Jebali en disant que même son parti ne le soutient pas.
- Aicha Dhaouedi (Nahdha) a dit que concernant le conseil des sages que le peuple à choisi bien avant à travers les urnes ses représentants. Elle a parlé de nécessité d’instauration d’institutions stables, d’élections et de légitimité permanente. Selon elle, c’est ce que revendique le peuple.
- Mouldi Riahi (Takatol) a dénoncé dans son intervention les appels à la dissolution de l’assemblée.
- Mehdi Ben Gharbia (Bloc Démocrate) a dit soutenir l’initiative de Jebali en demandant s’il y avait une autre solution. Il a affirmé : « Je vous rappelle qu’avant d’être ici, certains étaient dans les prisons, des opposants, harcelés, chassés du pays. C’est le peuple qui a fait cette révolution non pas son élite. Il faut toujours se rappeler de ça ».
- Samira Merai (Bloc Démocrate) a appelé au dialogue national, consensus entre différents partis et que c’est la responsabilité de tous de lutter contre la violence.
- Abderraouf Ayedi (Wafa) a dit qu’il y a une crise d’élite dans ce pays et que la révolution a surpris tout le monde. « On vit sous la tutelle des étrangers et c’est à cause de l’élite de Bourguiba. On en a fini avec les technocrates, Ben Ali était un technocrate de la répression. Nous, en tant qu’élites, nous devions dialoguer dans cet hémicycle mais nous n’avons rien fait. En Iran, il n’y a pas eu de problèmes : Le Shah est parti et il y a eu une constitution. En Afrique du Sud aussi après l’apartheid mais nous non. ». Il a enchainé ensuite pour dire que Ben Ali était un membre du Mossad et que les programmes simples à respecter sont de poursuivre les objectifs de la révolution et faire sortir les archives.
- Abdelaziz Kotti (aucun groupe) a rappelé l’épisode de Hamadi Jebali qui a publié sur les réseaux sociaux « Je t’ai choisi ma patrie » et a dit que si ce dernier juge que la solution est un gouvernement de technocrates, il est le mieux placé pour savoir ce qui ne va pas. La solution serait, selon lui, de mettre de côté tous les différends et s’élever au dessus des sensibilités politiques pour arriver à un compromis.
- Mohamed Ali Nasri (aucun groupe) a commencé par condamner le crime commis contre Chokri Belaid et a appelé l’ANC à assumer ses responsabilités. Il a dit qu’il faut un calendrier précis et s’y tenir, c’est comme ça qu’on protège la légitimité. Il a par ailleurs demandé la neutralisation des ministères régaliens et a appelé à un dialogue national contre la violence.
- Azed Badi (Wafa) a dit que la contre-révolution se passe en Tunisie et en dehors avec les résidus de l’ancien régime et qu’il est nécessaire de réformer la justice, faire passer le projet d’immunisation de la révolution et la criminalisation de la normalisation avec l’Etat sioniste. Pour lui, la scène politique se coupe en deux : Ceux qui protègent la révolution et ceux qui sont ses ennemis. Finalement, au sujet du gouvernement, il a dit qu’il en faut un d’alliance de partis politiques.
- Samir Ben Amor (CPR) a appelé à l’union en prenant pour exemple Barack Obama qui a dit être prêt à collaborer avec ses adversaires. Il a insisté sur l’existence de la contre révolution et résidus de l’ancien régime. Pour lui, c’est une réalité.
- Faycel Jadlaoui (Takatol) a exprimé sa déception concernant la présence des députés qui a diminué après la reprise, lui qui espérait trouver une présence en masse. Il a défendu l’idée d’instauration d’un dialogue national mais qui réunit les patriotes, pas tout le monde.
- Monia Kasri (Nahdha) : La réussite de cette phase viendra du dépassement de nos divergences dans le cadre de la loi sans violence verbale ou physique. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui parlent de l’échec de ce gouvernement et cette initiative de Hamadi Jebali ne pourrait être contre Ennahdha car elle provient de son SG mais nous voulons élargir l’alliance.
- Zohra Smida (Nahdha) a dit que la direction de la boussole a dévié en parlant ensuite d’agenda électoral, tentatives de faire échouer le gouvernement, les sit-in et les grèves. Pour elle, c’est ce qui mène à la crise. Elle a évoqué le discours qui parle de fascisme islamiste et de mobilisation des médias contre la révolution.
- Walid Banneni (Nahdha) : Le patriotisme n’est pas de mettre des technocrates mais que Ennahdha ne se divise pas et reste au pouvoir. Malgré tout le respect qu’on voue à Hamadi Jebali, on juge son initiative en fonction de ce qui serait plus bénéfique à l’intérêt du pays.
- Khemais Ksila (Aucun groupe) : On est condamnés à faire des discours dans cette assemblée et ne pouvoir prendre aucune décision. Cette plénière devait être extraordinaire suite à la situation actuelle mais je suis surpris du discours de certains qui manque de volonté de consensus. Il y a une légitimité limitée dans une phase de transition et je fais partie des députés démocrates qui ont prévenu la Troïka de s’accaparer le pouvoir. Cette ANC restera légitime et nous ne contestons pas cela mais notre légitimité a été affaiblie au point où le peuple a commencé à nous haïr. Pour sauver la crédibilité de cette ANC, il faut impérativement éviter les calculs politiques pour s’accaparer le pouvoir tout seul. La proposition du chef du gouvernement pourrait être une solution pour sortir de cette crise et le slogan de cette phase devrait être « La neutralité des ministères qui détiennent les armes, c'est-à-dire l’intérieur, la défense et aussi la justice. ».
- Mabrouk Hrizi (Wafa) s’est adressé à Mustapha Ben Jaafer pour lui dire qu’il ressent de la pitié envers son parti qui se retrouve en position de sandwich et a appelé le peuple tunisien à boycotter les médias qui mettent la lumières sur certaines figures politiques plus que d’autres et à vouloir manipuler l’opinion publique.
- Dhamir Manai (Aucun groupe) a parlé de nécessité de finaliser la constitution et de s’élever au dessus des divergences politiques : « Nous soutenons l’initiative de Hamadi Jebali à condition que ça soit consensuel ».
- Amor Chetoui (CPR) : Chokri Belaid est le martyr de la Fitna. Vous dites que ce gouvernement a échoué alors qu’il a réussi à réaliser une croissance de 3.5% après avoir hérité de la situation chaotique du gouvernement précédent.
- Lobna Jeribi (Takatol) a parlé de l’urgence de la lutte contre la violence : « Quelle image donnons-nous aux générations futures ? ». Elle a évoqué le discours de haine dans les médias, les mosquées et même au sein de l’ANC. Concernant le proposition de Jebali qu’elle dit soutenir, elle a demandé s’il y a encore du temps maintenant pour spéculer concernant un gouvernement d’union nationale.
La présence a largement diminué après la reprise de 18h45 et après quelques interventions la séance a été levée pour reprendre le lendemain (vendredi 15 Février 2013) à 9h.