Commission des finances, de la planification et du développement: Poursuite d'examen des dispositions fiscales du projet de loi de finances complémentaire pour l'année 2014
Lundi 14 juillet, la Commission des Finances s’est à nouveau réunie en présence des représentants du Ministère des Finances afin de poursuivre l’examen des dispositions de la loi de finances complémentaire 2014.
Les débats ont porté en premier lieu sur les articles 48, 49, 50 et 51 relatifs à la contribution conjoncturelle exceptionnelle au budget de l'Etat pour 2014. Ainsi, cette contribution porte sur toutes les personnes physiques de nationalité tunisienne et morales soumises à l'impôt sur les sociétés.
Pour les personnes physiques, c'est selon un nombre de jours de contributions relativement au revenu annuel net pour les salariés et pensionnaires, et correspondant à certains taux pour les professionnels et autres.
Pour les personnes morales, c'est une contribution égale à 20% des, 2èmes et 3ème Acomptes provisionnels dus pour l'année 2014 avec un minimum pour chaque acompte de 1000 dinars pour les personnes morales autres que les sociétés pétrolières et une contribution égale à 50% du minimum d'impôt sur les sociétés payable sur deux tranches lors du paiement du 2ème et du 3ème Acomptes provisionnels dus pour l'année 2014 et ce pour les personnes morales soumises à ce minimum d'impôt au titre de l'année 2013. Quant aux sociétés pétriolières, c'est une contribution fixée à 10% de la taxe pétrolière payée au 2ème semestre de l'année 2013.
Certains élus ayant demandé plus d’éclaircissements sur cette contribution exceptionnelle, la représentante du Ministère des Finances a fournit les éléments de réponse suivants : face à la vulnérabilité budgétaire qui s’exprime par la baisse des ressources propres de l’Etat et l’augmentation des dépenses, il a été nécessaire d’adopter cette mesure exceptionnelle pour faire face à ce déficit budgétaire. Par ailleurs, la contribution conjoncturelle exceptionnelle a été créée en 2012, ce n’est donc pas une mesure nouvelle. Ce qui est nouveau toutefois, c’est son caractère obligatoire. En effet, en 2012, cette mesure était facultative mais comme elle n’a pas réalisé les résultats escomptés, elle est devenue obligatoire pour l’année 2014. A noter que le montant global de la contribution exceptionnelle n’a pas dépassé les 6 millions de dinars pour l’année 2012 alors que les prévisions étaient de 450 millions de dinars. Elle a souligné que cette mesure à pris en considération les personnes à faible revenu (inférieur à 12 000 DT par an) qui ont le choix de soutenir cette mesure ou non. Selon les prévisions du Ministère des Finances, cette mesure va procurer au budget de l’Etat un montant de 320 millions de dinars.
Les réactions des élus furent nombreuses. C’est ainsi que Karim Bouabdelli a déclaré que le citoyen est en train de payer le prix de la faillite de la politique budgétaire de l’Etat. Il a ainsi dénoncé le manque de pertinence des choix et l’orientation dudit projet. Il a d’ailleurs qualifié cette contribution d’impôt supplémentaire déguisé.
A contrario, Abderrazak Khallouli s’est montré favorable à cette mesure qu’il voit comme ayant des chances d’être efficace d’autant qu’elle prend en considération les personnes à faible revenu et réalise l’équité fiscale.
Kamel Ben Romdhane a estimé quant à lui que les 50 DT de montant minimum que payeront les personnes physiques soumises au régime forfaitaire est élevé et qu’il y a d’autant plus un risque que cela devienne une contribution obligatoire tout les ans.
A cela, la représentante du Ministère des Finances a insisté pour signifier qu’il s’agit d’une contribution est à titre de l’année 2014 seulement, elle est donc conjoncturelle.
Mounir Ben Hnia a quant à lui estimer que le taux de 9% qui sera payé par les petites et moyennes entreprises, notamment celles en difficulté est très élevé et a demande d’avoir l’avis de l’UGTT concernant cette mesure. Par ailleurs, il a estimé qu’avec les résultats de l’emprunt national, il était possible de ne pas recourir cette contribution exceptionnelle. De plus, il existerait selon lui d’autres solutions pour rétablir les comptes publics tels que l’accentuation des efforts pour la confiscation.
Mabrouka Mbarek a quant à elle déclaré que pour les sociétés pétrolières il existait des « clauses de stabilité fiscale » et qu’il y avait des risques pour que cette contribution entraine des litiges entre les sociétés pétrolières et l’administration fiscale. L’élue a demandé si cela a été pris en compte et si il y a eu une coordination avec le Ministère de l’Industrie. A cela, la représentante du Ministère des Finances a répondu par l’affirmative et affirme. Elle a également ajouté un éclaircissement en ce qui concerne la contribution des sociétés pétrolière : cette contribution n’est pas considéré comme un impôt, ne rentre donc pas dans le domaine fiscal et n’est pas contraire à la clause de stabilité fiscale. Il s’agit en effet d’une sorte de dons subventions.
Hedi Ben Brahem a pour sa part vivement critiquée cette mesure et a proposé le recours à d’autres mesures plus pertinentes comme la confiscation et l’émission des Sukuks. Il a par ailleurs suggère qu’à titre préventif, ces 3 articles devaient être supprimés pour ne pas engendrer des problèmes sociaux.
Jalel Bouzid, en s’adressant à la représentante du Ministère des finances a déclaré : "Vous dites que ça sera la dernière fois, j'espère que c'est le cas, que ça ne sera pas une niche fiscale facile."
Lobna Jeribi a quant à elle déclaré qu’elle était consciente des sacrifices à faire mais elle a estimé que la cotisation devrait s’établir à partir du pallier de 20 000 DT par afin de préserver les catégories sociales à faible revenu. Elle a également considéré que s’agissant des personnes physiques, il fallait prendre en considération le ménage et distinguer ceux qui disposent d’un seul revenu avec ceux qui en disposent de 2. D’après l’élue, il faudrait également prévoir une exception pour les entreprises en difficulté et prévoir également un impôt sur la fortune (selon le patrimoine). De manière générale, il faudrait prévoir des mesures ciblées et s’éloigner de ces mesures générales.
Les débats ont ensuite porté sur les articles 52, 53 et 54 relatifs à l’harmonisation fiscale des conditions tarifaires des voitures à usages multiples avec les voitures pour le transport des personnes. En effet, les voitures à usages multiples (dont le transport des marchandises) sont soumises à des conditions tarifaires inférieures à celles du transport des personnes. Or, il existe aujourd’hui des voitures à usage multiples dont l’usage n’est pas uniquement réservé au transport des marchandises (transport touristique par exemple), c’est pourquoi il est apparu nécessaire de leur ajouter un droit de consommation supplémentaire.
Aucune objection n’ayant eu été entendue, les débats se sont alors portés sur les articles 55, 56 et 57 du projet de loi de finances complémentaire qui prévoient :
-Article 55 à 57 : Mise à jour des conditions tarifaires des timbres fiscaux et nouveaux tarifs.
Suite à la présentation des nouvelles mesures par la représentation du Ministère des Finances, Ferjani Doghmani a pris la parole pour déclarer que l’augmentation du timbre discal de carte de séjour pour les étrangers peut être perçue comme étant une sanction pour les Libyens.
Rim Mahjoub a fait part de sa déception à l’égard de ces mesures qu’elle qualifie d’injustes et a déclaré que l’administration fiscale n’est pas en train de traiter le fonds du problèmes. Par ailleurs, elle a estimé que le timbre fiscal sur les contrats de mariage est symboliquement inacceptable et a proposé plutôt une taxe pour le divorce.
S’agissant de ce point en particulier, la représentante du Ministère des Finances a déclaré qu’il s’agissait là de la contrepartie d’un service public.
A cela, Fayçal Jadlaoui a rappelé à cette dernière qu’il existe le principe de gratuité du service public qui contredit ce qu’elle a énoncé. L’élu s’est également interrogé sur la pertinence de taxer les affaires portées en affaire et en cassation alors que ce sont les Tribunaux de 1ère instance qui reçoivent le plus d’affaires. Il a également proposé de trouver des mesures qui visent les personnes physiques soumises au régime forfaitaire et particulièrement les professions libérales.
Mounir Ben Hnia a quand à lui déclaré qu’il n’était pas du ressort de la loi de finance complémentaire de créer de nouvelles taxes.
Abderazak Khalouli a pour sa part estimé que l’Etat n’est pas un commerçant qui vend des services aux citoyens d’autant plus que ces derniers sont financés par l’impôt prélevé sur le contribuable. Il a ajouté également que la question du timbre de 30 DT pour les mariages, risquaient certainement d’être frappé d’inconstitutionnalité. Néanmoins, s’agissant du montant de la carte de séjour, il a estimé que cela pouvait être augmenté à 150 DT (au lieu de 100 DT), idem pour les actes d’autorisation d’ouverture d’établissements vendant des boissons alcoolisées qui devrait être augmenté à 1000 DT (au lieu de 500 DT). Par contre, il a estimé qu’au vu de la menace terroriste, il était irresponsable d’augmenter le tarif du timbre fiscal pour l’obtention d’autorisation d’achat d’arme à feu de 20 à 150 DT, puisque cela entrainera d’avantage d’utilisation sans autorisation.
Mabrouka Mbarek a pour sa part estimé que l’augmentation du timbre fiscal sur les opérations de recharge de téléphone non matérialisées par une carte (tickets) est appropriée et a proposé de taxer les opérateurs téléphoniques. Elle a également proposé de mettre en place une taxe sur les bateaux de plaisance.
Loba Jeribi s’est quant à elle interrogée sur le fait de savoir si la nouvelle taxe imposée lors de l'inscription des affaires auprès des tribunaux peut être considéré comme anticonstitutionnelle étant donné qu’elle serait contraire aux dispositions de l’article 108 de la constitution qui prévoit que la loi facilite l'accès à la justice et assure aux plus démunis l'aide judiciaire.
Karim Bouebdelli a déclaré qu’au lieu de prévoir toutes ces mesures, pourquoi ne pas ajouter un point de TVA en plus, ce qui permettrait d’augmenter les ressources propres et cela répondrait aux exigences d’équité sociale.