Commission des finances, de la planification et du développement: Examen des dispositions fiscales du projet de loi de finances complémentaire pour l'année 2014
Vendredi 11 juillet, la Commission des finances a poursuivi l'examen du projet de loi de finances complémentaire conjointement avec des représentants du Ministère des Finances, des représentants de la Banque Centrale et du ministère de l'intérieur pour répondre notamment aux interrogations des élus concernant l'article 81 relatif à la possibilité de création de bureaux de change par des personnes physiques. Le représentant de la Banque Centrale a pris d’abord la parole pour rappeler que "cette idée de créer des bureaux de change date de 2004". Il a tenté d’expliquer que leur objectif est de répondre aux besoins des citoyens pour l'allocation touristique, les bourses d'étudiants, les frais de soins, etc. Ferjani Doghmane, président de la Commission des Finances, a objecté les propos du représentant de la Banque Centrale en signifiant que cela ne répond pas à l’objectif principal énoncé dans l’exposé des motifs, qu’est la lutte contre le « marché noir ». Ainsi, Hedi Ben Brahem a enchaîné pour signifié que cette mesure est prise tardivement et qu’elle a été demandé depuis 2011. Il a toutefois admis qu’il s’agissait d’un un pas courageux vers la convertibilité total du dinar et la lutte contre le commerce parallèle. Il a également insisté sur la nécessité de prévoir des conditions précises pour organiser ce secteur, notamment l’obligation pour la personne physique souhaitant obtenir l’autorisation, être titulaire d’un « bac+4 ». L’élu a également soutenu que cette mesure doit être régie en vertu d’une loi et non d’un décret comme le dispose l’article 81 de la loi de finance complémentaire. Fayçal Jadlaoui, contrairement aux propos de Hedi Ben Brahem, considère que ce secteur ne nécessite pas de diplôme universitaire en particulier mais il a affirmé la nécessité d’en préciser les conditions avant d’insister sur le fait que la Banque Centrale doive être la haute autorité compétente pour le contrôle de ces bureaux de change. Mounir Ben Hnia a également affirmé que l’opération de change ne requiert pas des agents hautement qualifiés et s’est aligné sur les propos de ceux qui ont demandé que la réglementation des bureaux de change soient régi par une loi et non pas par décret Jalel Bouzid a soulevé le fait que plus de la moitié des touristes en Tunisie, sont des ressortissants libyens et algériens qui viennent directement avec leur argent et qui n’auront pas recours à ces bureaux de change, ce qui en limite leur utilité. Il a par ailleurs souhaité que ce domaine soit confié à des jeunes jeunes diplômés en économie et en gestion. Ferjani Doghmani a repris la parole pour demander aux représentants de la Banque Centrale de fournir aux élus les conditions d’ouverture des bureaux de change en insistant sur la nécessité de les intégrer dans le projet de loi de finances complémentaire et non pas dans un futur décret. En réponse aux points soulevés par les élus, la représentante du Ministère des Finances, a tout d’abord souligné que les si la modalité de fixation des conditions d’une telle activité se fait par décret, c’est parce que la procédure de modification en est plus aisée. Le représentant de la Banque Centrale a enchaîné en indiquant que les conditions d’ouverture des bureaux de change sont liées à la nature des opérations qui seront effectués. C’est pour quoi, pour les simple opération de change manuel, il n’y aura pas de conditions limitatives, mais pour les autres opérations plus complexe, un diplôme sera exigé étant donné que l’un des buts assigné à cette mesure est la création d’emploi pour les jeunes diplômés chômeurs.
Abderrazak Khalouli a ainsi insisté pour demander s’il revient à la Banque de fixer les conditions d’ouverture de ces bureaux ou est-ce-que cela revient au pouvoir réglementaire ?A cette question la Banque Centrale a répondu que la fixation des conditions ne relève pas de ses compétences.
Les élus sont ensuite passés à l’article 76 relatif au renforcement du système de contrôle et de sanctions dans le domaine sanitaire et environnemental. Ainsi, l’article prévoit d’amender loi la loi n°52-2006 du 14 août 2006 relative à l’infraction aux règlements d’hygiène dans les zones relevant des collectivités, locales, pour renforcer le système de contrôle et de sanctions à travers le mécanisme de pollueur-payeur (l’un des grands principes du droit de l’environnement). Moez Bel Hadj Rhouma a fait valoir que cet article représente un espoir tant attendu par le citoyen et salue en ce sens, l’ensemble des mesures qui visent à préserver l’environnement. Il a par ailleurs proposé d'ajouter à l’article 76 des sanctions pour condamner les personnes qui portent atteinte aux zones forestières et archéologiques. Mounir Ben Hnia a salué ces mesures qui visent une protection urgente de l’environnement et a soulevé le fait qu’il faille fixer les rapports professionnels entre les délégations spéciales et la police municipale d’autant plus qu’un grand nombre d’infractions sont commises par les collectivités publiques locales elles-mêmes. Abderrazak Khalouli a estimé que le projet de loi de finance complémentaire est un aveu d’échec du gouvernement qui se précipite vers des mesures faciles, sachant pertinemment qu’avec la détérioration de la situation environnementale il ya aura pas de réticence de la part des élus et donc des citoyens, alors même que cette mesure n’a pas lieu d’être dans ce projet de loi de finance. Hedi Ben Brahem a déclaré que le nombre de corbeilles à déchets n’est pas suffisant pour que les citoyens respectent cette mesure prévu par la loi de finances complémentaire. Quant aux collectivités publiques locales, elles ont le devoir de prévoir les moyens nécessaires pour pouvoir adopter cette mesure. Néanmoins, il a également fait valoir l’idée selon laquelle cette mesure n’a pas sa place dans le projet de loi de finances complémentaire. Lobna Jeribi, a quant à elle déclaré que telles dispositions sont très importantes tout en rappelant que ce projet de loi de finance complémentaire, contient un un certain nombre de « cavaliers budgétaires » (dispositions n’ayant pas de liens avec les finances publiques) alors même que ce sera le premier projet de loi de finance qui fera l’objet d’un contrôle par l’Instance Provisoire de Contrôle de Constitutionnalité des Projets de Lois (IPCCPL). Jalel Bouzid a considéré que le fait de renforcer le degré de répression n’apportera pas de résultats concluants. Il a par ailleurs insisté sur le rôle de la société civile dans la sensibilisation des citoyens aux problèmes de l’environnement ainsi que sur la nécessité de campagnes de sensibilisation pour faire connaître ces mesures. La représentante du Ministère des Finances a déclaré que l’administration a adopté plusieurs mesures avant de prévoir cette disposition tel que la révision de la structure de l’administration communale, le changer des secrétaires généraux des communes, la fixation de 15 000 corbeilles à déchets (or plus de 60% d’entre elles ont été brûlées ou volées), adoption d’une circulaire de la présidence du gouvernement 2014 portant création d’une commission de crise qui se réunit une fois par mois pour connaitre des problèmes environnementaux.
La Commission des Finances, s’est retirée pendant une heure avant de reprendre ses travaux pour poursuivre l’examen de la loi de finances complémentaire.
Les discussions ont reprises par l’article 30 relatif au paiement de l’impôt par les professions non commerciales. L'article 30 en question amende l'article 44 du code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés et oblige les professions industrielles et commerciales et les professions non commerciales à déclarer un taux minimum d’impôt sur le revenu conformément à la législation fiscale en vigueur.Mounir Ben Hnia a rappelé que selon la Constitution, tous les citoyens sont égaux devant la loi et par conséquent, on ne peut établir de règles spéciales à chaque profession. D’ailleurs, cet article pourrait être frappé d’inconstitutionnalité par l’IPCCPL. Cette dernière affirmation a par la suite été reprise par Hedi Brahem, qui a ajouté que cette mesure ne répondait pas aux exigences de l’équité fiscale. D’autres élus encore tels que Rim Majdoub et Mongi Rahoui l’ont même qualifié d’injuste. La représentante du Ministère des Finances a réagi à ces remarques en indiquant que le problème majeur réside dans les professions libérales puisque l’administration fiscale ne dispose pas de moyens pour connaitre leur chiffre d’affaires exactes ce qui justifie le recours au calcul d’une moyenne d’un taux minimum d’impôt.
Ensuite, les discussions ont porté sur l’article 31 relatif à l’amendement de l'article 109 du code des droits et procédures fiscaux qui dispose désormais que le processus d'enregistrement des contrats de cession des biens immobiliers et des fonds de commerce ou leurs locations est subordonné à la production d'une attestation de régularisation de la situation fiscale. Ferjani Doghmani s’est montré hostile à cette mesure la qualifiant d’ « handicap » tandis que Mabrouka Mbarek a montré une position favorable tout en y ajoutant une condition : la quittance devra être délivrée en ligne. A cela, la représentante du Ministère des Finances a soumis une fin de non recevoir puisque la quittance est délivrée par le bureau d’ordre. Lobna Jeribi a poursuivi en lisant les articles 32, 33, 34 et 35 relatifs au soutien de la transparence et de la lutte contre l’évasion fiscale dont la principale mesure est la levée du secret bancaire. Selon la représentante du Ministère des Finances, l'abandon du secret bancaire en matière fiscale s’opère dans le cadre de la refonte fiscale et permettrai à l’administration fiscale d’avoir des rapports détaillés sur les comptes en banque. Elle a rappelé que cette mesure a été proposée suite à l’approbation par l’ANC de la Convention multilatérale relative à la transparence. Ferjani Doghmani a proposé de limiter cette mesure aux personnes qui pratiquent l’évasion fiscale et que cela ne soit pas une pratique généralisée et a insisté sur le fait que l’accès de l’administration fiscale aux renseignements bancaires doit bien être particulièrement encadrée. Mongi Rahoui a estimé quant à lui que cette mesure était un « minimum » pour lutter contre l’évasion fiscale. Mounia Hnia quant à elle a préconisé que l’administration fiscale ait un droit d'accès direct au compte bancaires seulement après une autorisation judiciaire. A cela, la représentante du Ministère des Finances déclara : « Nous sommes quasiment le seul pays qui pratique encore le secret bancaire, et c'est une honte pour nous ». Avant de poursuivre : « Je ne comprends pas comment vous pouvez être contre une procédure qui vise à dévoiler les infractions financières ». Elle a également ajouté que le citoyen qui croit aux principes de la transparence et qui n'a rien à se reprocher, n’a pas à craindre cette mesure ce qui justifie la pratique devrait être généralisée. Enfin, elle a déclaré que la lutte contre le commerce parallèle nécessitait également la levée du secret bancaire. A cela, Habib Bribech a déclaré que la levée du secret bancaire risque d’entraîner d’une part un retrait massif des avoirs en banques et d’autre part une fuite des peut pas être adopté maintenant.
Suite aux discussions houleuses sur la question de la levée du secret bancaire, l’audience est passée aux articles 36, 37 et 38. Ces dispositions, relatives à la lutte contre la contrebande et le commerce parallèle et instituant des instruments fermes de répression et des mécanismes de prévention ont été qualifiées de nécessaires par la représentante du Ministère des Finances la mise en place d’instruments ferme de répression et de mécanismes de prévention. Cette disposition n’a pas fait l’objet de questions par les élus.
S’agissant ensuite de l’article 39 relatif à la suppression de l'augmentation du taux de 25% de l'assiette de l'impôt sur les plus values, la plupart des élus dont Lobna Jeribi et Habib Bribech ont fait valoir leur réticence quant à la levée d’une telle mesure, d’autant plus qu’elle était prévue dans la loi de finances initiale 2014, dénotant pour eux d’un manque de sérieux.
Concernant à présent des articles 40 à 42 relatifs à l'allègement de la pression fiscale sur certains matériaux de construction pour combattre le commerce parallèle, Lobna Jeribi s’est exprimée sur la question en déclarant que cette logique est complètement biaisée dans la mesure ou la levée de la pression fiscale sur des produits de luxe tels que le granite ou la mosaïque ne feront bien au contraire, que renforcer le commerce parallèles et la contrebande.
Les discussions ont par la suite porté sur l’article 43 relatif au paiement d'une amende égale à 20% de la valeur des marchandises saisies sans factures en cours de livraison. Ainsi, cette nouvelle amende remplace celle de 250 DT avec application d'un montant plancher minimum de 500 DT ou 1000 DT selon la nature des marchandises. A ce sujet, Habib Bribech a demandé les raisons pour lesquelles l’administration fiscale ne se rendait pas dans les zones frontalières qui sont le lieu par excellence de contrebande.
S’agissant à présent de l’article 44. Celui-ci prévoit des mesures visant à diminuer le coût de l’investissement et à encourager l’emploi incluant notamment une diminution de 12% à 6% de la TVA pour les produits de l’importation ainsi que la possibilité de déduire 10% des salaires des nouveaux employés sur le montant du chiffre d’affaire imposable. Lobna Jeribi a déclaré ne pas comprendre l’opportunité de la baisse de la TVA dans la mesure où il s’agit d’un manque à gagner pour le trésor de l’Etat, qui cherche à améliorer ses ressources propres.
Passage à présent à l’article 45, relatif à la taxation des intermédiaires en bourses au taux de 20% : s’agissant de cette mesure, la majorité des élus se sont montré favorable.
Concernant les articles 46 et 47 relatifs à la suspension de la TVA au titre de l'acquisition de biens dans le cadre de la coopération internationale, il n’y a eu aucune objection.