Séance plénière: Poursuite du débat relatif au projet de la constitution article par article

Jeudi 23 janvier 2014

La séance débuta aujourd’hui à 17h10. Le président de l’Assemblée, monsieur Mustapha Ben Jaafar, l’entama en rendant hommage au député Mohamed Allouch, disparu la veille suite à un arrêt cardiaque. Mustapha Ben Jaafar s’arrêta sur le passé du défunt ayant été militant auprès de la ligue Tunisienne des droits de l’homme et farouche opposant au régime de Ben Ali ; ainsi que sur sa participation active au sein de l’Assemblée en tant que membre de la commission de l’énergie et des secteurs de production ainsi que de la commission constituantes des droits et libertés.

Après récitation de la Fatiha, les députés Ali Houiji et Mouna Ben Nasr sont intervenus pour demander au Président de l’Assemblée de lever la séance, vu les circonstances, et de la reprendre après les obsèques du regretté. Cependant, Mustapha Ben Jaafer s’opposa à cette demande, affirmant qu’achever la Constitution serait le plus grand hommage qu’ils puissent rendre à ce dernier. 

Par la suite, le rapporteur général de la Constitution, monsieur Habib Khedher, prit la parole dans le cadre de la reprise de l’examen du projet de Constitution article par article. Il expliqua qu’on procéderait au vote des articles restant de la Constitution, soit les deux articles du Xème Chapitre consacré aux dispositions transitoires ; et ce, avant de revenir sur certaines dispositions de l’article 93 du règlement intérieur.

Suite à cela, l’Assemblée procéda au vote du chapitre X de la Constitution dédié aux dispositions transitoires, et du chapitre 145 qui fit l’objet de deux amendements consensuels. 

Voici le texte de l’article 145 après révision :

Article 145 :

Après la ratification de la présente Constitution dans sa totalité conformément aux dispositions de la loi constituante n°6 de 2011 datée du 16 décembre 2011 portant organisation provisoire des pouvoirs publics, l’Assemblée nationale constituante se réunit en séance plénière extraordinaire durant laquelle la Constitution est promulguée par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale constituante et le Chef du gouvernement. Le Président de l’Assemblée nationale constituante ordonne sa publication dans un numéro spécial du Journal Officiel de la République Tunisienne. La Constitution entre en vigueur dès sa publication. Le Président de l’Assemblée Nationale Constituante annonce au préalable la date de publication.  

Par ailleurs, on vota pour une révision de l’article 146. La séance fut levée ensuite pour la prière. 

Une réunion des présidents des blocs parlementaires eut lieu après la prière, pour un accord sur quelques derniers points. 

A la reprise de la séance, le rapporteur général de la Constitution annonça qu’on procéderait au vote de l’article 146 dans sa formulation définitive après le vote des articles auxquels on reviendrait dans le cadre de l’article 93 du règlement intérieur de l’assemblée. En voici les textes :

Article 107 :

Les catégories de tribunaux sont créées par une loi. Sont interdites, la création de tribunaux d’exception et l’édiction de procédures exceptionnelles de nature à porter atteinte aux principes d'un procès équitable.

Les tribunaux militaires sont des tribunaux compétents pour les crimes militaires. Leur compétence, leur structure, leur fonctionnement, leurs procédures et le statut de leurs magistrats sont déterminés par la loi.  

Ajout d’un article après l’article 146 :

Le tribunal militaire continue d’exercer les prérogatives qui lui sont attribuées par les lois en vigueur jusqu’à leur amendement, conformément aux dispositions de l’article 107. 

Article 87 :

L’Assemblée des représentants du peuple peut, à l’initiative de la majorité de ses membres, présenter une motion motivée pour mettre fin au mandat du Président de la République en raison d'une violation manifeste de la Constitution. La décision doit être approuvée par les deux tiers des membres de l’Assemblée. Dans ce cas, l'affaire est renvoyée devant la Cour constitutionnelle qui statue sur la question à la majorité des deux tiers. En cas de condamnation, la décision de la Cour constitutionnelle se limite à la révocation, sans exclure d'éventuelles poursuites pénales si nécessaire. La décision de révocation prive le Président de la République de se porter candidat à quelque autre élection.  

Article 118 : 

La Cour rend sa décision dans un délai de 45 jours à compter de la date de recours pour inconstitutionnalité et à la majorité absolue de ses membres. La décision de la Cour énonce la constitutionnalité ou l’inconstitutionnalité des dispositions faisant l’objet du recours. Sa décision est motivée et s’impose à tous les pouvoirs ; elle est publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne.

En cas d’expiration du délai fixé par le paragraphe premier sans que la Cour n’ait émis sa décision, elle est liée par la transmission immédiate du projet au Président de la République.  

Article 119 : 

Le projet de loi inconstitutionnel est renvoyé au Président de la République et de là devant l’Assemblée du peuple pour une deuxième lecture conformément à la décision de la Cour constitutionnelle. Le Président de la République doit renvoyer le projet de loi, avant sa promulgation, devant la Cour constitutionnelle qui examine sa constitutionnalité.

Dans le cas de l’adoption du projet de loi par l’Assemblée, dans une version amendée après son renvoi, et si la Cour a déjà affirmé sa constitutionnalité ou l’a transmis au Président de la République pour cause d’expiration des délais le concernant, il incombe, obligatoirement, au Président de la République de le transmettre à la Cour avant promulgation.  

Article 80 :

Le Président de la République promulgue les lois et ordonne leur publication dans le Journal officiel de la République tunisienne dans un délaine dépassant pas les 4 jours à compter de : 

1-L’expiration des délais de recours pour inconstitutionnalité et de renvoi sans qu’aucun des deux n’ait été fait, 

2-L’expiration du délai de renvoi sans qu’il n’ait été exercé après l’émission d’une décision de constitutionnalité ou dans le cas de la transmission obligatoire du projet de loi au Président de la République, conformément aux dispositions du troisième paragraphe de l’article 117, 

3-L’expiration du délai de recours pour inconstitutionnalité d’un projet de loi renvoyé par le Président de la République et adopté par l’Assemblée dans une version amendée, 

4-L’adoption d’un projet de loi une seconde fois par l’Assemblée sans amendement après renvoi par le Président, et sans qu’il n’ait contesté sa constitutionnalité après la première adoption ou après l’émission d’une décision de constitutionnalité ou dans le cas de la transmission obligatoire du projet de loi au Président de la République conformément aux dispositions du troisième paragraphe de l’article 117, 

5-L’émission d’une décision de Constitutionnalité par la Cour dans le cas de la transmission obligatoire du projet de loi au Président de la République conformément aux dispositions du troisième paragraphe de l’article 117, si le projet a précédemment été renvoyé par le Président de la République et adopté par l’Assemblée dans une version amendée.

A l'exception des projets de lois constitutionnelles, le Président de la République peut renvoyer, en motivant, le projet pour une deuxième lecture et ce dans un délai de 5 jours à compter de : 

1-L’expiration du délai de recours pour inconstitutionnalité sans qu’il n’aboutisse, conformément aux dispositions du premier tiret de l’article 117, 

2-L’émission d’une décision de constitutionnalité ou la dans le cas de la transmission obligatoire du projet de loi au Président de la République, conformément aux dispositions du troisième paragraphe de l’article 118 dans le cas d’un recours en vertu des dispositions du premier tiret de l’article 117. 

L’adoption des projets de lois ordinaires se fait, après renvoi, à la majorité absolue des membres de l’Assemblée et à la majorité des trois cinquièmes de ses membres sur les projets de lois organiques.

Article 35 :

Le droit syndical est garanti, y compris le droit de grève. 

Ce droit ne s'applique pas à l'armée nationale. 

Le droit de grève ne comprend pas les forces de sécurité intérieure et la douane.

Article 6 :

L’État est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes ; il est le garant de la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane.

L’Etat s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, à protéger les sacrés et à interdire d’y porter atteinte, comme il s’engage à interdire les campagnes d’accusation d’apostasie et l’incitation à la haine et à la violence. Il s’engage également à s’y opposer.  

Article 38 : 

L'enseignement est impératif, jusqu'à l'âge de seize ans.

L’État garantit le droit à un enseignement public et gratuit dans tous ses cycles et veille à fournir les moyens nécessaires pour réaliser la qualité de l'enseignement, de l'éducation. L'état veille aussi à enraciner l'identité arabo-musulmane et l’appartenance nationale dans les jeunes générations et à ancrer, à soutenir et à généraliser l’utilisation de la langue arabe, ainsi que l’ouverture sur les langues étrangères et les civilisations humaines et à diffuser la culture des droits de l’Homme.  

Article 64 : 

Sont pris sous forme de lois ordinaires, les textes relatifs à : 

-La création de catégories d’établissements publics et d’entreprises publiques et les textes organisant leur cession, 

- La nationalité, 

-Les obligations civiles et commerciales, 

-Les procédures devant les différentes catégories de tribunaux, 

-La détermination des crimes et délits et des peines qui leur sont applicables, de même que les contraventions lorsqu'elles sont sanctionnées par une peine privative de liberté,

-L’amnistie générale, 

-La détermination de l’assiette de l’impôt, de ses taux et des procédures de son recouvrement, 

-Le régime d’émission de la monnaie, 

- Les emprunts et les engagements financiers de l’État, 

-La détermination des hautes fonctions 

-La déclaration du patrimoine 

-Les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires, 

-Le régime de la ratification des traités internationaux, 

-Les lois de finances, du budget, la clôture du budget et l'approbation des plans de développement, 

-Les principes fondamentaux du régime de la propriété et des droits réels, de l’enseignement, de la recherche scientifique et de la culture, de la santé publique, de l’environnement, de l’aménagement territorial, urbain et de l’énergie, du droit du travail et de la sécurité sociale.

Sont pris sous forme de lois organiques les textes relatifs à : 

-L'approbation des traités, 

-L’organisation de la justice et de la magistrature, 

-L’organisation de l’information, de la presse et de l’édition, 

-L’organisation des partis politiques, des syndicats, des associations, des organisations et des ordres professionnels et leur financement, 

-L’organisation de l’armée nationale, 

-L’organisation des forces de sécurité intérieure et de la douane, 

-La loi électorale, 

-La prorogation du mandat de l’Assemblée des représentants du peuple conformément aux dispositions de l’article 56, 

-La prorogation du mandat présidentiel conformément aux dispositions de l’article 75, 

-Les libertés et les droits de l’homme, 

-Le statut personnel, 

-Les devoirs fondamentaux de la citoyenneté, 

-La gouvernance locale, 

-L'organisation des instances constitutionnelles, 

-La loi organique du budget.

Le pouvoir réglementaire général peut intervenir dans les matières non incluses dans le domaine de la loi.

Suite au vote des articles en vertu du règlement intérieur dans son article 93 ; on revint vers l’article 146 de la Constitution pour ratification. En voici le texte :

Article 146 : 

1) Sont maintenues les dispositions des articles 5, 6, 8, 15 et 16 de l’organisation provisoire des pouvoirs publics jusqu’à l’élection de l’Assemblée des représentants du Peuple.

Sont maintenues les dispositions de l’article 4 de l’organisation provisoire des pouvoirs publics jusqu’à l’élection de l’Assemblée des représentants du Peuple, cependant et à compter de l’entrée en vigueur de la Constitution, aucun projet de loi présenté par des élus n’est accepté, sauf s’il se rapporte au processus électoral, au système de la justice transitionnelle ou aux instances émanant de toutes les lois adoptées par l’Assemblée nationale constituante.

Sont maintenues les dispositions des articles 7, 9 à 14 et 26 de l’organisation provisoire des pouvoirs publics jusqu’à l’élection du Président de la République, conformément à l’article 74 et suivants de la Constitution.

Sont maintenues les dispositions des articles 17 à 20 de l’organisation provisoire des pouvoirs publics jusqu’à ce que le premier Gouvernement jouisse de la confiance de l’Assemblée des représentants du Peuple.

L’Assemblée nationale constituante poursuit l’exercice de ses compétences législatives, électorales et de contrôle, décidées dans la loi organique relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics ou dans les lois en vigueur jusqu’à l’élection de l’Assemblée des représentants du Peuple.

2) les dispositions mentionnées ci-dessous entrent en vigueur comme suit : 

-Les dispositions du chapitre III relatif au pouvoir législatif, exceptés les articles 53, 54, 55 et la partie II du chapitre IV relatif au gouvernement entrent vigueur à compter du jour de la proclamation des résultats définitifs des premières élections législatives. 

-Les dispositions de la partie I du chapitre IV relatif au Président de la République excepté les articles 74 et 75 entrent en vigueur à compter du jour de la proclamation des résultats définitifs des premières élections présidentielles. Les articles 74 et 75 n’entrent en vigueur que concernant le Président de la République qui sera élu au suffrage direct. 

-Les dispositions de la partie I du chapitre V consacré aux juridictions judiciaires, administratives et financière, excepté les articles 108 à 111, entre en vigueur dès lors que le Conseil supérieur de la magistrature est institué. 

-Les dispositions de la partie II du chapitre V consacré à la Cour constitutionnelle, excepté l’article 118, entrent en vigueur à la fin de la nomination des membres de la première composition de la Cour constitutionnelle. 

-Les dispositions du chapitre VI consacré aux instances constitutionnelles entrent en vigueur après l’élection de l’Assemblée des représentants du Peuple. 

-Les dispositions du chapitre VII consacré au pouvoir locale entrent en vigueur au moment de l’entrée en vigueur des lois qui y sont citées.

3) Les élections présidentielles et législatives sont tenues dans une période commençant 4 mois après la mise en place de l’ISIE, sans que cela ne dépasse dans tous les cas, la fin de l’année 2014.

4) Les parrainages se font lors des premières élections présidentielles directement par un nombre de membres de l’Assemblée nationale constituante, conformément au nombre requis de membres de l’Assemblée des représentants du peuple ou du nombre d’électeurs inscris, tel que prévu par la loi électorale. 

5) Dans un délai maximum de 6 mois à compter de la date des élections législatives, il est procédé à la mise en place du Conseil Supérieur de la Magistrature, et dans un délai d’une année à compter de la date de ces élections à la mise en place de la Cour constitutionnelle.

6) Le renouvellement partiel de la Cour constitutionnelle, de l’Instance des élections, de l’Instance de la communication audio-visuelle et de l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, se fait lors de la première et de la deuxième fois par tirage au sort parmi les membres de la première composition. Le Président est exclu du tirage au sort.

7) L’Assemblée nationale constituante crée en vertu d’une loi organique, durant les 3 mois suivant la promulgation de la Constitution, une instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi et elle se compose du (de) : 

-Premier président de la Cour de cassation, en tant que président

- Premier président du Tribunal administratif, en tant que membre, 

-Premier président de la Cour des comptes, en tant que membre, 

-3 membres parmi les experts en Droit, nommés respectivement par le président de l’Assemblée nationale constituante, le Président de la République et le Chef du gouvernement. 

Les tribunaux ordinaires sont réputés incompétents pour contrôler la constitutionnalité des lois. 

Les fonctions de l’Instance prennent fin avec la mise en place de la Cour constitutionnelle.

8) L’instance provisoire de la justice judiciaire continue d’exercer ses fonctions jusqu’à la finalisation de la composition du Conseil de la Justice Judiciaire. 

L’instance indépendante de la communication audio-visuelle continue d’exercer ses fonctions jusqu’à la finalisation de la composition de l’Instance de la communication audio-visuelle.

9) L’Etat s’engage à appliquer le système de la justice transitionnelle dans l’ensemble de ses domaines et dans la période fixée par la législation qui y est relative. Dans ce contexte, il n’est pas permis d’invoquer la non-rétroactivité des lois ou une amnistie préexistante ou l’autorité de la chose jugée ou la prescription d’un crime ou d’une peine.

Par la suite, on vota la dernière phrase de la Constitution : 

« Allah est le garant du succès. »

Ainsi donc, l’Assemblée Nationale Constituante aura approuvé le projet de Constitution article par article en attendant qu’elle approuve ce dernier dans son ensemble en première lecture, opération prévue pour le samedi ou le dimanche étant donné que les députés se déplaceront demain à Bizerte pour assister aux obsèques du défunt Mohamed Allouch et que le projet de Constitution sera relu et reconsidéré dans son ensemble avant son passage au vote et ce, pour effectuer les dernières rectifications d’ordre linguistiques et reprendre d’éventuelles contradictions que le texte pourrait contenir. 

Il est par ailleurs à signaler que durant cette séance, une proposition d’amendement de l’article 52 portant sur les conditions d’éligibilité à l’Assemblée des députés du peuple, fut exposée. Cette dernière réduit l’âge minimal requis de 23 à 20 ans. Cependant, elle fut refusée, tout comme l’ajout d’un article dont voici le texte :

Rajout d’un article : 

"L’Etat garantit la liberté du travail"

Un amendement de l’article 73 fut aussi refusé, visant à substituer l’expression « la preuve de l’abandon de l’autre nationalité »  à l’expression « un engagement stipulant l’abandon de l’autre nationalité à l’annonce de son élection en tant que Président de la République. »

La séance plénière connut aussi quelques tensions lors du passage de la proposition d’amendement de l’article 6 au vote et ce, suite à l’intervention du député Ibrahim Kassas, qui s’opposa à cet amendement, s’appuyant sur un communiqué du Mufti de la République quant à l’article 6. Cependant, ses collègues parvinrent à le calmer et on procéda au vote de l’article.

Après le vote, la parole fût accordée à des députés qui ont souhaité rendre hommage au regretté Mohamed Allouch. Ces derniers ont profité de l’occasion pour souligner le fait que la Constitution soit la résultante d’un climat consensuel, capable de servir les prochaines générations.

Enfin, la séance fût levée à 21h40.

Nous vous tenons par ailleurs au courant des résultats des votes sur notre site Marsad.tn

La version finale du projet de Constitution (avant les rectifications d’ordre linguistique et son adoption en première lecture)  sera aussi disponible sur notre plateforme dans les plus brefs délais.